"Il faut mettre fin à l'anomalie qu'est la zone Euro", affirme Florian Philippot.
Ce matin à 8 h 20, Europe 1 recevait Florian Philippot, vice-président du Front national.
Voici ses déclarations :
On ne va pas revenir sur la polémique Dieudonné que vous avez largement commenté et qui est, selon vous, un écran de fumée pour éviter de parler des vrais sujets. Alors on va parler des vrais sujets : vous avez écouté les vœux du président hier soir. Est-ce que, dans ces 10 minutes d'intervention, vous avez retenu un point positif, un seul ?
"Très honnêtement, pas véritablement."
Rien ?
"C'est-à-dire qu'il n'y avait rien, en réalité, alors je ne vois pas ce que j'aurai pu retenir. Il a parlé de tout et de rien. Il a effleuré tous les sujets, je crois qu'il n'y a pas un thème qui a pas été effleuré. Tous les thèmes, tous les sujets. Mais en même temps, il n'y a rien annoncé véritablement."
Alors François Hollande a tout de même rappelé que sa priorité, c'était l'emploi. "Chaque chômeur qui reprend un emploi, c'est une famille qui respire", dit-il. Parmi les armes pour l'emploi, il y a les emplois aidés. Faut-il selon vous supprimer ou garder les emplois aidés ?
"Encore une fois, il a raison sur le constat, c'est difficile de juger. Il y a beaucoup de familles qui ont étouffé en 2013 et les années précédentes, parce que sous Nicolas Sarkozy, déjà, le chômage n'a fait qu'augmenter. Alors, la question des emplois aidés, c'est quand même une question de fond. Est-ce que la seule politique de l'emploi, ce doit être une politique de l'emploi aidé, qui est extrêmement coûteuse, quand même ? En 2013, c'est 3,2 milliards d'euros de financement, ce qui est donc une augmentation de la dette. Nous, nous considérons qu'il y aura toujours des emplois aidés parce qu'il en faut, un petit peu, ça fait partie de la vie économique et sociale, ça peut être un moyen de revenir dans l'emploi, mais ça peut pas être l'alpha et l’oméga d'une politique."
Vous ne les supprimez pas, aujourd'hui ?
"On en fait pas autant. On en a fait 130 000 en 2013 pour faire baisser statistiquement le chômage - c'est juste statistique. Mais si on veut vraiment lutter pour l'emploi, il faut changer de modèle économique, et accepter de trouver ces armes et ces muscles qu'utilisent les autres pays face à la mondialisation. Je pense notamment au protectionnisme intelligent. C'est de ça dont François Hollande aurait dû parler hier. On est en train de négocier un accord de libre-échange total entre les Etats-Unis et l'Union européenne qui permettra même aux grandes entreprises de traîner les Etats devant les tribunaux. Demain, Monsanto pourra traîner la France devant les tribunaux si la France refuse les OGM sur son territoire national. Ça, ce n'est qu'un exemple. Ça, c'est un sujet de fond. Il faut donc du protectionnisme. Et mettre fin, je fais ce vœu-là pour 2014, à cette stupidité, cette aberration de la monnaie unique européenne qui nous plombe et qui nous tire vers le bas."
Dans les armes que le président a évoqué hier, il y a ce pacte de responsabilité avec les entreprises : la baisse des charges contre des embauches. C'est ce que vous préconisez aussi, vous devez être satisfait, ce matin ?
"Vous voyez bien la limite du discours présidentiel. Il nous dit baisse des charges contre embauche. Très bien ! On a déjà entendu ça trente fois, dans la bouche de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy, puis de François Hollande. Mais après, on fait comment ? Comment il les baissera, les charges ? S'il crée de l'emploi, de la croissance. Ou alors, il accepte de baisser, d'effondrer le modèle français de sécurité sociale, de modèle social. En réalité, on peut baisser les charges et il faut baisser les charges des petites entreprises. Pas des grandes. Les grandes, elles ne paient pas assez. Mais des PME, des PMI, des artisans, des commerçants, en recréant de la richesse, c'est donc en changeant de modèle économique - et deuxièmement, en faisant des économies sur les mauvaises dépenses publiques : le coût de l'immigration, la fraude sociale, la fraude fiscale, le coût de l'Union européenne, le budget de l'Union européenne, les plans de renflouement de l'euro. Il y a beaucoup d'exemples de mauvaises dépenses publiques, mais cela aussi, ça suppose un changement de politique."
Vous, vous baisseriez les charges salariales en les finançant par une taxe de 3% sur les produits importés - c'est ce qu'il y a dans le programme du Front national. Comment vous lutteriez contre les inévitables barrières qu'imposeraient les pays où l'on exporte nos vins, nos Airbus et qui sont au passage européen ?
"Alors c'est vrai que cette mesure, cette contribution sociale à l'importation de 3%, ça permet de financer l'augmentation immédiate par une baisse des cotisations sociales de 200 € sur les salaires jusqu'à 1,4 fois le SMIC. C'est un coup de pouce, plus qu'un coup de pouce d'ailleurs, au pouvoir d'achat des Français."
Mais comment vous luttez contre les barrières qu'imposeraient automatiquement les Etats-Unis, la Chine face à cela ?
"Je suis désolé de vous dire qu'il vous faut inverser la perspective. C'est aujourd'hui nous qui nous laissons faire. Ces pays que vous nommez taxent déjà nos produits. Il n'y pas que ces pays-là, d'ailleurs. La Corée du Sud où on met en place des barrières non-tarifaires. La Chine, l'Argentine, le Canada, les Etats-Unis... Et donc, nous prendrions les mesures qui s'imposent pour ne pas rester les dindons de la France. Voilà ce que nous proposons, c'est le sens du protectionnisme intelligent. Nous sommes actuellement la zone qui est la plus ouverte du monde, c'est la zone euro. C'est une anomalie dans la monde. Il faut mettre fin à cette anomalie. Ce n'est pas une mesure qui entraînerait des rétorsions, c'est une rétorsion de notre part parce qu'aujourd'hui, on se laisse faire et ça n'est pas normal."
Puisque vous chiffrez tout, combien coûteraient à nos exportations les barrières douanières des pays où on exporte ?
"Mais ça ne coûterait pas."
Ça coûterait forcément.
"Notre programme prévoit la relance des exportations."
En fermant nos frontières ?
"Non, pas en fermant, en les maîtrisant. C'est toute la subtilité. On ne ferme rien, on maîtrise, comme tous les pays en dehors de l'Union européenne. Mais on relance nos exportations avec la fin de l'euro, qui permettra une dévaluation salutaire de notre monnaie parce qu'aujourd'hui, notre monnaie est beaucoup trop chère. Rafale en sait quelque chose, Airbus en sait quelque chose. Ça nous permettrait de revenir à un excédent commercial, parce que depuis que nous sommes à l'euro et ce n'est pas un hasard, nous sommes en déficit commercial."
Dernière question sur l'emploi : au FN, la lutte contre le chômage passe aussi par la préférence nationale pour l'emploi, un Français plutôt qu'un étranger à poste équivalent et compétences équivalentes. Dans un secteur comme le bâtiment par exemple, les patrons le disent, si on limitait le travail des étrangers, des pans entiers de l'économie cesseraient de fonctionner. Avec votre préférence nationale pour l'emploi, comment comptez-vous forcer les Français à se remettre au travail ?
"Alors, la priorité nationale pour l'emploi, déjà, elle existe pour la fonction publique. Il y a même des secteurs où il s'agit d'exclusivité nationale pour les emplois de souveraineté et elle existe aussi dans beaucoup d'autres pays, comme les Etats-Unis."
Pour le privé.
"Oui, d'accord, pour le privé. Mais je remets quand même en perspective : c'est quelque chose qui existe largement dans le monde. Et bien écoutez, les exemples que vous citez sont intéressants. Aujourd'hui, on nous dit : il y a des emplois qui ne sont pas occupés par les Français. Pourquoi ? Ils seraient fainéants, paresseux dans leur ADN ? Je ne crois pas. C'est parce que ces emplois ne sont pas assez bien payés par rapport à leur pénibilité."
Dans le bâtiment, ce n'est pas vrai. Les patrons cherchent systématiquement à trouver de emplois et ils renchérissent.
"Oh non, ils ne renchérissent pas. Si vous regardez le salaire moyen dans le bâtiment, c'est très faible. Pourquoi ? Parce qu'on préfère faire appel à l'armée de réserve de l'immigration, ce qui permet de faire venir des gens qui se contentent de salaires plus bas, de moins de règles sociales, et ça évite d'augmenter les salaires. Voilà pourquoi l'immigration est un projet du grand patronat, systématiquement soutenu par le Medef comme le patronat européen."
Il y a aussi des patrons de PME qui le disent, et là c'est pas le grand patronat.
"Oui, enfin vous savez que les PME sont souvent, dans ce domaine-là, les sous-traitantes de grands groupes et voilà. Vous regardez tous les rapports du Medef et du patronat européen depuis des décennies : ils défendent systématiquement l'immigration massive. Que les gens qui se disent de gauche réfléchissent à cela parce que ça devrait les interpeller."
On va continuer à aborder vos propositions, c'est important alors qu'on rentre dans une année électorale. Je n'ai pas trouvé un mot, pas une référence sur l'avortement. Ça veut dire que c'est une question qui est tranchée au Front national ?
"C'est une question que nous avions développée, qui n'est pas dans le débat public français, je le rappelle. Nous avions dit clairement qu'il n'y avait pas de restrictions au droit à l'avortement. Mais nous rappelons que c'est toujours un traumatisme. Et que si ça peut être évité, c'est mieux."
Pas de restriction : Marine Le Pen, pendant sa campagne, parlait pourtant de le limiter.
"Tout le monde veut le limiter. Je veux dire, sur le principe, personne n'est pour développer l'avortement, enfin j'espère."
Jean-Marie Le Pen est lui, quasiment, pour supprimer le droit. Qui faut-il écouter : le père ou la fille ?
"Je ne sais pas. Déjà, il ne s'est pas exprimé comme vous le dites."
Si, il a salué le projet de loi espagnol qui vise à quasiment supprimer le droit à l'avortement espagnol.
"Oui, qui revient à la situation d'avant 2010. Je ne suis pas expert du droit espagnol vous me direz. C'était une promesse de campagne de M. Rajoy. Non, le projet du FN, c'est celui qui a été développé pendant la campagne présidentielle, que je viens de vous rappeler."
Donc, pas de suppression, pas de limitation.
"Non, mais le rappel d'un principe et aider les femmes qui voudraient faire autrement."
On a l'impression que c'est toujours un peu le même problème au Front national entre Jean-Marie Le Pen, sa fille Marine, et maintenant sa petite-fille Marion. On ne sait plus qui croire dans la famille. Sur le changement du nom du parti, personne n'est d'accord : comment souhaiteriez-vous appeler le FN ?
"Personne n'est d'accord mais en même tout le monde a dit de manière très claire que ce n'était pas un sujet dans l'actualité du Front national. Je sais pas pourquoi on changerait le nom du Front national alors que nous sommes très haut dans les sondages, que les élections partielles seront très bonnes, que 2014 sera la grande année des patriotes, la grande année du Front national, du Rassemblement Bleu Marine. Mais ce débat n'est pas tabou. Il pourra arriver un jour, mais il n'est pas aujourd'hui d'actualité."
Donc, le FN ne changera pas de nom en 2014.
"Je ne pense pas, non."
Le président l'a rappelé hier, 2014 est une année électorale importante. Quel objectif chiffré vous fixez-vous pour les municipales ? Combien de villes ?
Je ne peux pas vous dire, parce que les municipales sont un enjeu très local. Le plus possible. On part de zéro, donc si on en a une on sera content, mais j'espère qu'on en aura plus que cela. Et puis beaucoup, beaucoup, des centaines de conseillers municipaux en France. Il faut que ce soit une année de libération nationale, 2014. Que les Français se servent des municipales et des européennes pour dire : "Attendez, on peut plus rien faire dans aucun domaine, on est totalement asservi, dans une logique d'aliénation dans beaucoup de politiques publiques, notamment en matière économique et européenne." Il faut pouvoir se libérer et redonner la souveraineté et la maîtrise de son destin à son propre pays. Déjà, aux municipales, on pourra améliorer un peu le quotidien de nos compatriotes. J'espère le faire à Forbach, mais j'espère qu'on le fera aussi dans d'autres pays."
Dernière question : Marine Le Pen avait fixé un seuil de 100 000 adhérents à la fin de l'année 2013. Il y en avait 70 000 à l'automne. Où en êtes-vous aujourd'hui ?
"J'ai pas les derniers chiffres. Je n'ai pas compté, mais je vous le dirai dans quelques jours."