"La balle est dans le camp du gouvernement. Qu'il démonte les portiques, il gagnerait en sagesse et montrerait qu'il est à l'écoute des Bretons.", affirme Christian Troadec.
Christian Troadec, maire de Carhaix
On sent bien que depuis quelques jours, votre rêve est de mettre un bonnet rouge sur chaque tête de Bretons. Vous avez lancé un ultimatum au gouvernement mercredi dernier pour qu'il supprime son écotaxe. Il ne l'a pas fait. Quelle est, pour vous, l'étape d'après ?
"L'étape de l'autre jour a été importante puisqu'elle permettait au gouvernement, alors qu'il se réunissait en conseil des ministres à Paris, l'après-midi, le pacte d'avenir devait commencer à être mis sur la table à Rennes, il y avait une fenêtre qui s'ouvrait, qui donnait au gouvernement la possibilité de donner de la visibilité aux acteurs économiques en Bretagne, en annonçant la suppression définitive de l'écotaxe."
Il ne l'a pas fait...
"Il ne l'a pas fait, ça fait plusieurs mois qu'il n'entend pas. De notre côté, on le dit parfois un peu fortement, mais pour se faire entendre, comment faire autrement ? Nous étions plus de 30 000 bonnets rouges samedi dernier à Quimper."
Entre 15 000 et 30 000 selon les comptages. Mais ce qui m'intéresse, ce n'est pas ce qu'il s'est passé la semaine dernière mais ce qu'il va se passer la semaine prochaine, alors que le gouvernement a fermé la porte à votre ultimatum.
"Oui, le gouvernement nous a fermé la porte il y a seulement deux jours. On voit M. Le Foll qui sera présent aujourd'hui à Rennes, derrière les hauts murs de la préfecture de région, qui n'a pas le courage d'aller ici dans le Finistère, là où l'incendie est en train de ravager l'économie bretonne. On a un ministre qui a du mal à assumer ses responsabilités. On souhaite d'abord qu'il réponde concrètement aux problèmes qui se posent aux Bretons."
Vous, vous ne répondez pas concrètement. Que va-t-il se passer maintenant ? N'avez-vous pas tiré votre arme la plus forte trop tôt ?
"Maintenant, la balle est dans le camp du gouvernement, il ne faut pas se tromper d'interlocuteur. C'est au gouvernement de répondre aux préoccupations des Bretons. Il faut les solutions nécessaires. On demande la fin de l'écotaxe, c'est un préalable indispensable à la visibilité économique des entreprises. On demande aussi la fin du dumping social. Cette distorsion de concurrence empêche nos entreprises de travailler correctement et les force à se retrouver dans des situations où la concurrence ne leur permet pas de développer leur activité. Enfin, il faut libérer les énergies. Il faut une vraie régionalisation. C'est ici, avec les Bretons, qu'on trouvera des réponses à nos problèmes."
Est-ce que c'est à un responsable politique de lancer des ultimatums ? N'êtes vous pas en train de jouer avec les problèmes des Bretons à votre seul bénéfice ?
"À Carhaix et ailleurs, on est plus dans la construction que dans la résistance. Si on a parlé de la révolte des bonnets rouges, c'est qu'on y a été contraint. Nous voulons plutôt construire, créer, imagine. Aujourd'hui, c'est le gouvernement qui ne nous entend pas."
Il y a des destructions de radar, de bornes. Est-ce que vous condamnez ces destructions ?
"Le collectif a toujours dit qu'il était opposé à la violence. On ne veut pas que la Bretagne ressemble à un champ de ruines."
Quand vous appelez à la colère, comme vous êtes un responsable politique, vous validez un peu ces comportements.
"Du tout, nous ne sommes pas du côté de ceux qui cassent. Les rassemblements qui se sont déroulés ont toujours été dignes, calmes, pacifiques. La violence, elle s'exerce sur les employés et les entreprises."
Pas seulement, c'est aussi le cas sur les portiques, ce qui coûte une fortune au contribuable.
"Que le gouvernement les démonte, il gagnerait en sagesse et montrerait qu'il est à l'écoute des Bretons. En les démontant rapidement, il réglerait un problème"
Est-ce que vous dites clairement aux destructeurs, aux casseurs, de cesser ces pratiques ?
"On n'a rien à voir avec ce genre de pratiques..."
Vous leur dites d'arrêter ?
"Mais aujourd'hui, il y a une colère tellement profonde en Bretagne et en France qu'il serait difficile de connaître les acteurs qui se livrent à ces actes..."
Je ne dis pas que vous le connaissez, je vous demande si vous leur demandez d'arrêter, ce n'est pas compliqué.
"Tout à fait, aucun souci. Nous demandons au gouvernement de prendre ses responsabilités en démontant les portiques. Il n'y aura plus de risque sur les portiques."
On a compris que vous n'appeliez pas à l'arrêt de la destruction des bornes d'écotaxe. Christian Troadec, le gouvernement propose quand même de discuter. Il y a ce pacte d'avenir sur la Bretagne que Jean-Marc Ayrault veut le voir signer avant la fin du mois de novembre. Ca vous plait, ou ça ne va pas non plus ?
"Vous savez, on attend des actes concrets, pour les uns et pour les autres, qui êtes invités ici ou là, dans des réunions, des grands messes, où sont diffusés toujours les mêmes messages... On veut du concret."
Le meilleur moyen reste quand même d'assister aux négociations ?
"En ce qui concerne le pacte d'avenir, le collectif n'a pas été invité à la table des négociations, alors que nous avons toujours souhaité le dialogue pour améliorer la situation des Bretons. Hélas aujourd'hui, constatez qui est à Rennes, qui est à Quimper..."
On tape un peu facilement peut-être sur l'Europe, en Bretagne. Or, Tilly-Sabco et Doux ont touché 980 millions d'euros d'aides entre 2002 et 2012 pour que leurs poulets restent concurrentiels. C'était les deux seuls à en bénéficier en Europe. Il n'y a pas une responsabilité des entreprises dans le fait que cela ne fonctionne pas aujourd'hui?
"Il faudra poser la question à Daniel Sauvaget [PDG de Tilly Sabco, présent à l'émission], dont je salue la qualité du travail, ce sont des exportations menées pendant des dizaines d'années, sachant que ces subventions étaient une demande de la France, qui avait besoin d'une agriculture exportatrice en Bretagne. Je crois que le travail a été bien fait."
Réponse de Daniel Sauvaget : "On parle d'une aide de politique agricole commune, qu'on pourrait comparer aux 8 milliards perçus chaque année par les producteurs de végétaux chaque année. On ne parle pas de subventions, mais de compensations. Les Bretons n'ont pas bénéficié de privilèges mais se sont saisis d'opportunités pour créer de la richesse, de la valeur et des emplois en Bretagne !"