Ce samedi, Catherine Nay décrypte la crise diplomatique franco-italienne et les difficultés du Brexit, à quatre mois des élections européennes.
Bonjour Catherine,
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
Les élections européennes, c'est dans quatre mois. On se demande bien sur quel thème on va rameuter les électeurs. Parce que le spectacle, c'est la débandade !
Oui, on est toujours dans le brouillard avec le Brexit. On comprend de moins en moins les Anglais. Et puis, il y a cette crise inouïe entre la France et l'Italie. Il y a souvent eu des bisbilles entre ces deux Etats fondateurs de l'Union Européenne. Mais là, ça dépasse les bornes !
Emmanuel Macron est devenu la cible préférée de Matteo Salvini, le ministre de l'Intérieur, patron de la ligue d'extrême-droite, grand ami de Marine Le Pen et de Luigi Di Maio, vice-Premier ministre, leader du mouvement populiste 5 étoiles. Il faut dire qu'Emmanuel Macron n'a pas arrangé les affaires en parlant de la lèpre qui monte, pour qualifier les succès de l'extrême-droite. Mais depuis, entre les deux pays, tout est sujet à passes d'armes violentes.
Les ports français aux navires qui organisaient le sauvetage des migrants, le peuple italien y a vu un manque de solidarité. Mais aucun domaine n'est épargné, que cela soit la ligne ferroviaire Lyon-Turin ou encore la commémoration des cinq cents ans de la mort de Léonard de Vinci, qui a fini ses jours à Amboise. Le Louvre veut organiser une exposition ; le ministère de la culture italien refuse de prêter des œuvres. C'est la grande chicaya !
Et elle s'est amplifiée cette semaine, avec la visite en France de Luigi Di Maio avec des "gilets jaunes".
Depuis le début du mouvement, Salvini et Di Maio applaudissent et encouragent les "gilets jaunes", qui veulent déchoir Jupiter ! La rencontre s'est faite en région parisienne, avec des candidats de la liste RIC. Parmi eux, Christophe Chalançon, celui qui voudrait mettre le Général de Villiers au pouvoir. Di Maio leur a proposé de les aider à s'organiser, mettre à leur disposition la plateforme internet de son mouvement pour les aider à élaborer un programme, trouver des candidats. Manque pas d'air ! Paris ne pouvait pas faire moins que de rappeler l'ambassadeur. Surtout que Di Maio multipliait les polémiques contre le Franc CFA, "monnaie coloniale qui contribue au départ des réfugiés africains qui meurent en mer" !
Derrière cette visite incongrue, il faut comprendre que la Ligue et le mouvement 5 étoiles sont en campagne électorale permanente.
Alliés au pouvoir, ils ont besoin d'un adversaire pour nourrir la rancœur des Italiens, sur laquelle ils ont été élus et surtout détourner l'attention de la situation économique qui s'aggrave et qu'ils sont incapables d'enrayer. L'Italie est en récession. Le taux de chômage des jeunes est de 33%. Faute d'opposition interne, on cherche un ennemi à l'étranger, dans la perspective des élections européennes, qui seront pour les deux un peu leur "mid-term". Or, Salvini et Di Maio sont en compétition. Di Maio est venu en France pour exister chez lui, face à un Salvini qui prend trop la lumière et le distance en popularité.
Du coup, le plus cocasse, c'est qu'hier, Matteo Salvini a changé de registre.
Après avoir tonné qu'il fallait que Macron s'en aille, il joue les casques bleus et propose de le rencontrer pour calmer le jeu. Une comédie à l'italienne ! Mais cette crise, malheureusement, prend en otage deux peuples qui ont plus de points communs que de divergences de fond. En 2017, les échanges commerciaux se sont montés à 77 milliards d'euros, en hausse de 8%, avec un surplus de bénéfices pour les Italiens. Mais les Français contrôlent plus de 2.000 entreprises dans la péninsule.
Conclusion ?
Qui va amener un peu de raison, de sagesse ? On aimerait pouvoir dire Emmanuel Macron, qui avait une grande ambition européenne. On murmure qu'il pourrait lancer une initiative, écrire, parler. Mais il est trop empêtré avec les "gilets jaunes" pour être une voix crédible aujourd'hui. Merkel ne représente plus l'avenir. Pourtant, 42% des Européens se disent toujours pro-européens. Et il est possible que le meilleur avocat de l'Europe soit l'Angleterre, qui ne sait pas comment partir.