Ce samedi, Catherine Nay décrypte "l'acte 4" des "Gilets jaunes".
Bonjour Catherine,
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
Ce samedi est un jour clé et sans doute décisif. Ce soir, on saura si le mouvement a définitivement basculé du côté de la violence et de l'anarchie ou s'il laisse espérer une possible sortie de crise et un espace favorable pour une prise de parole du Président Macron.
Dire qu'il y a un an, Emmanuel Macron songeait à commémorer mai 68, pour "sortir des discours maussades", disait-il. Il a bien fait d'y renoncer. Mais il y a un an, la France des "gilets jaunes", rassemblée de la Concorde à la Madeleine, pleurait Johnny. Emmanuel Macron avait fait applaudir le chanteur par la foule, peut-être pour ne pas être hué lui-même. Mai 68. Et voilà que l'Histoire repasse les plats, comme le disait le philosophe Hegel. Non comme une farce, mais peut-être cette fois comme une tragédie s'il y a des morts ce soir - car c'est bien l'hypothèse que l'Elysée envisageait sérieusement hier. C'était bien dans les propos du ministre de l'intérieur.
Mais n'était-ce pas aussi créer un appel d'air pour ces individus hyper violents, comment faut-il les appeler : les voyous, la racaille, qui veulent tout brûler sur leur passage, tout casser, tout piller, et aussi prendre d'assaut l'Elysée, attenter aux forces de l'ordre. On saura dans les heures qui viennent si les loups sont entrés dans Paris, comme le chantait Reggiani. Dans ce cas, on basculerait dans la révolution. En attendant, la capitale s'est muée, s'est métamorphosée en camp retranché, barricadé, avec les commerces fermés, les spectacles annulés. La clientèle des grands hôtels a plié bagage. Le monde entier nous regarde, sidéré.
Et comme dans toute crise paroxystique, il y a des pousse-au-crime.
Une partie de l'opposition, consciente des risques s'est modérée dans la journée d'hier. Beaucoup ont appelé au calme, parmi eux, ceux qui encourageaient les gilets jaunes à continuer, trop contents de gêner Macron, la plupart voulant lui faire payer très cher d'avoir décrété que leur vieux monde était mort et enterré, à commencer par François Hollande. Chez nous, sur Europe 1, Edouard Balladur, conseiller social de Georges Pompidou en mai 68, recommandait aux "gilets jaunes" de ne pas venir en masse à Paris aujourd'hui pour ne pas nuire à leur cause.
Bernard Tapie, qui disait : "un 'gilet jaune' à côté d'un casseur aura changé d'équipe", l'acteur Franck Dubosq, qui ne soutient plus les "gilets jaunes", parce qu'il les trouve trop "hargneux et haineux". Mais il y a des Ruffin qui disent que Macron finira comme Kennedy, un véritable appel au meurtre. Besancenot et Philippot, qui appellent au contraire à manifester en masse aujourd'hui. Mais ce qui étonne - on reste coi même - devant le journal Le Monde Diplomatique, qui a publié une carte réactualisée des lieux de pouvoir dans la capitale : banques, ambassades, médias, ministères, hôtels cinq étoiles, restaurants fréquentés par l'élite, un guide pour les incendiaires !
Mais il aura fallu l'entrée violente des lycéens pour que la classe politique s'inquiète vraiment.
Les lycéens, qui ne sont pas de bons petits diables : à Nantes, un conseiller départemental a été roué de coups devant un lycée. A Mantes, des images ont choqué. (Il est vrai qu'on vient d'interdire la fessée à l'Assemblée Nationale), celles de 151 lycéens arrêtés par la police. Et à Bordeaux les mains en l'air ou entravées par les menottes, face à un mur, comme s'ils allaient être fusillés, alors qu'il n'y a eu aucun blessé, aucune plainte. Depuis trois jours, ils étaient plus de 400, menaient la terreur, brûlaient des voitures, volaient des bonbonnes à gaz. Les policiers en ont arrêté 150. Ils ont été placés en garde à vue sous le contrôle des juges. Il fallait bien les calmer.
Valérie Pécresse évoque des scènes de guérilla comme on n'en avait jamais vues. Elle parle d'hyper-violence.
Emmanuel Macron va-t-il enfin parler ?
Lui seul le sait, qui s'est abstenu jusque-là pour ne pas, a-t-il dit, jeter de l'huile sur le feu. S'il parle, il ne devra pas rater son allocation mais toucher au cœur, comme l'a dit un gilet jaune. Sauf que le Président n'est pas doué pour l'exercice. Qu'il retrouve de la bienveillance. Mais entre les "gilets jaunes" et le Président, c'est presque une crise géométrique, c'est la verticalité jupitérienne face à l'horizontalité absolue. Alors comment rétablir le dialogue ? Et bien ce sera difficile.