Ce samedi, Catherine Nay brosse décrypte le mouvement des "gilets jaunes", première grande crise du quinquennat d'Emmanuel Macron.
Bonjour Catherine,
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
Samedi dernier, on s'interrogeait : le mouvement des gilets jaunes va-t-il durer ? Huit jours plus tard, ils sont toujours là. Ils manifesteront à Paris et en province. Mais combien seront-ils ? Ce soir on fera le bilan. Les forces de l'ordre sont sur les dents. Mardi, Emmanuel Macron parlera, mais va-t-il réussir à faire retomber la colère ?
Le Président est confronté à la première grande crise du quinquennat. Car c'est lui qui est visé nommément. Sur tout le territoire, on a vu des "gilets jaunes" réclamer sa démission. Mardi, il devrait annoncer des propositions pour, selon l'Elysée, rendre la transition écologique "juste, équitable, démocratique". Voilà déjà l'aveu qu'elle ne l'était pas jusque-là. Un nouvel équilibre est à trouver, et ce n'est pas en taxant l'essence et le gasoil de la France périphérique qu'on le trouvera. Question : doit-il renoncer à la taxe comme beaucoup le lui conseillent, y compris dans son camp ? A en croire Hugues Rançon, le vice-président En Marche de l'Assemblée Nationale, "Ce qui manque, c'est le récit sur la fiscalité écologique. On est trop sur les modalités, pas assez sur la finalité". C'est vrai : pour susciter l'adhésion des gens, il faut un récit, de la flamme.
Les Français savent l'urgence écologique, les conséquences dramatiques du réchauffement climatique ne leur échappent pas. Mais ils soutiennent les "gilets jaunes". Ils endossent leur gilet par procuration, même s'ils n'approuvent pas leurs méthodes. Car pour tous, c'est le ras-le-bol fiscal, le ras-le-bol de la hausse du prix à la pompe. Paradoxe : aujourd'hui, le prix du pétrole n'a jamais été aussi bas depuis six mois : il a baissé de 25%. Nicolas Hulot, inspirateur et père de la taxe carbone, et donc en partie responsable de cette hausse, a participé jeudi à l'Emission politique sur France 2. Pour lui, la fin du monde n'est plus une hypothèse d'école. Il suggère de faire un effort de guerre, de mettre en place un vrai plan Marshall. Courage, fuyons. On comprend pourquoi il a déserté !
La fin du monde. Bigre ! Mais peut-on conjuguer la lutte contre cette issue funeste et contre les fins de mois difficiles ?
C'est ce que croit Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. "On a besoin de réponses concrètes", dit-il. Et lui suggère de réunir les corps intermédiaires, des élus, des ONG, des associations et pourquoi pas aussi des gilets jaunes, pour construire un pacte social de conversion écologique. Conjuguer la lutte pour l'humanité, ça c'est la transition écologique et aussi se préoccuper des fractures territoriales et sociales. Réunir une sorte de Grenelle de l'environnement : "on a besoin de tous les acteurs, dit-il, et les réponses se feront avec tous, même s'ils sont en contradiction les uns avec les autres". Laurent Berger tend une perche au gouvernement, qui devrait la saisir. Car dans ce paysage syndical et politique dévasté, avec qui négocier s'il n'y a pas d'interlocuteur ? Les "gilets jaunes" apparaissent disparates, contradictoires, divisés, parfois extravagants dans leurs exigences. C'est une lave qui sort du volcan. Il n'empêche : il faut canaliser leur colère en les entendant car on ne fera rien non plus sans eux.
Les "gilets jaunes" ont en tout cas le soutien de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon.
Les partis extrémistes font leur nid là où il y a de la colère, des difficultés, de la frustration. Marine Le Pen applaudit au grand succès de leur mobilisation, elle contestait le choix du champ de mars comme lieu de manifestation, car à ses yeux, il la minimisait. Elle suggérait, au contraire, qu'ils puissent défiler aux Champs-Elysées. Une proposition irresponsable : cela reviendrait à offrir un open bar pour les Black blocks. Bonjour les pillages !
Jean-Luc Mélenchon, qui était hier aux côtés des ouvriers métallurgistes de Florange, pour demander la réouverture des hauts fourneaux d'Arcelor Mittal, prédisait que la manifestation d'aujourd'hui serait énorme ! Et il suggère que Macron renonce à la taxe carbone ça, dit-il, c'est le point de départ.
De là à croire à une convergence "Rassemblement National" / "France Insoumise" ?
Sur le terrain, des gilets jaunes qui votent France Insoumise ont parlé, pactisé avec d'autres qui, eux, sont partisans du Rassemblement National. Europe 1 en a rendu compte. Mais de là à imaginer une convergence politique future des états-majors, on n'est pas en Italie !