Ce samedi, Catherine Nay décrypte l'interview d'Emmanuel Macron sur TF1 et le mouvement des "gilets jaunes".
Bonjour Catherine,
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
Interrogé mercredi au 20h de TF1 sur la colère des Français, Emmanuel Macron a avoué qu'il n'avait pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants. "Et ça, ça me touche", a-t-il ajouté. Un moment politique inédit !
C'est du jamais vu ! Un Président qui bat sa coulpe, fait son auto-critique. J'ai cherché un autre exemple d'aveu d'échec chez ses prédécesseurs. Alors bon, François Mitterrand avait lâché, en 93, c'est-à-dire à la fin de son deuxième septennat, parce qu'il est le seul à être resté 14 ans à l'Elysée, qu'en matière de lutte contre le chômage, on a tout essayé. Façon d'expliquer qu'il n'y avait rien à faire. Mais c'était plus une absolution qu'un mea culpa, voire un "je m'en lave les mains".
Le Président Macron s'exprimait depuis le porte-avion Charles de Gaulle avec en fond de décor, plusieurs rafales, nos avions de combat, si grands consommateurs de kérosène : 110 litres par minute ! Ce qui le mettait tout de même un peu hors sol. Donc, il dit : "Cet échec le touche". Mais, prévient-il, "ce divorce entre les citoyens et les dirigeants, on le voit dans toutes les démocraties occidentales et il m'inquiète". En clair, ce n'est pas lui qui amène la mode au pays. Mais il veut bien concéder qu'il n'a sans doute pas porté aux Français toute la considération qu'ils méritent. Oui, la considération. Alors, il veut gouverner différemment : aller au plus près du terrain, et que tout ne soit pas décidé à Paris. Mais pour le reste, il n'a pas fait d'erreur ! Il fait des réformes qui n'avaient jamais été faites avant lui. Seulement, il faut du temps.
Combler le fossé entre le peuple et le pouvoir est un défi immense !
Emmanuel Macron a raison de dire que le rejet, parfois la haine pour les puissants, traverse toutes les sociétés occidentales. Mais ce mea culpa, c'est aussi l'aveu que le Président a oublié les promesses du candidat. Il faut revenir aux origines de la conquête d'Emmanuel Macron, quand on disait "il n'a pas de programme". Mais lui rétorquait que sa boîte à outils, c'était le porte-à-porte des marcheurs, partis à la rencontre des citoyens. L'écoute de la société civile. S'il y avait coupure entre les Français et les politiques, c'était due à l'accumulation des promesses non tenues et au clivage droite-gauche, générateur de blocages de la société.
Alors qu'il y a, disait-il, des choses très bien à droite et d'autres très bien à gauche. Et lui se promettait de prendre ce qu'il y a de meilleur des deux côtés. Il voulait purger la société de tout ce qui faisait le système antérieur : les médiations politiques et syndicales. Et avec lui, le big bang a eu lieu. Le PS n'est que champ de ruines. Et les Républicains sont divisés, inaudibles. Avec Macron, ce serait l'ardoise magique. On efface tout et on recommence en mieux. On construit du neuf. Il n'avait qu'un mot à la bouche : bienveillance. Mais 18 mois plus tard, l'enchantement promis n'est pas au rendez-vous. Les oubliés d'avant se sentent encore plus lésés. Et le fossé s'est davantage creusé.
D'où cette colère des "gilets jaunes".
Mais les "gilets jaunes", c'est le monde nouveau des réseaux sociaux. C'est une "Jacquerie électronique". Vous vous rendez compte : tout part d'une pétition en ligne d'une jeune femme en Seine-et-Marne, qui a été signée par près de 900.000 personnes ! Dans ce mouvement, il y a la coagulation de tous les ressentiments d'une France péri urbaine et rurale qui s'estime délaissée par l'Etat, depuis très longtemps, d'ailleurs. Vous remarquerez que le mot chômage n'est pas prononcé. Beaucoup d'élus que j'ai pu joindre disent que chez eux, les chefs d'entreprise peinent à embaucher, faute de formation, dans l'industrie, le bâtiment, le tourisme. Le ras-le-bol du "tout augmente", l'électricité, le gaz, l'assurance, le loyer, le carburant. Et pour les propriétaires de voiture diesel, c'est double peine : le gazole flambe, leur véhicule ne vaut plus rien.