Ce samedi, Catherine Nay décrypte "l'itinérance mémorielle" d'Emmanuel Macron pour le centenaire de la Grande Guerre.
Bonjour Catherine,
Bonjour Bernard, bonjour à tous.
Le Président Macron a regagné l'Elysée hier soir, après six jours d'itinérance mémorielle. Un voyage pour commémorer le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, l'armistice. Un voyage sans précédent, dont vous faites le bilan, Catherine.
Un périple harassant. 1.000 kilomètres sur les sites incontournables de la Grande Guerre. Une vingtaine d'étapes où il a enchaîné les cérémonies militaires et civiles, les dépôts de gerbe, le recueillement sur les tombes des soldats inconnus. Partout, l'hommage aux Poilus, qui vont entrer au Panthéon. Mais le père de la nation, porteur des souffrances et des grandeurs de la mémoire nationale, a voulu en même temps répondre à toutes les colères et les impatiences du quotidien. "Lier les douleurs d'hier à celles d'aujourd'hui", a-t-il expliqué.
A chaque étape, il est allé au contact des citoyens mécontents, qui l'interpellaient sur leur pouvoir d'achat en baisse, la hausse du prix du diesel, le montant des retraites. Il a affronté les quolibets : "escroc, casse-toi". Malgré un effort indéniable de pédagogie, il n'a pas toujours réussi à convaincre. Et ces images passaient en boucle sur les chaînes de télévision. Résultat : les récriminations de 2018 ont effacé le souvenir des horreurs de 1918, ce passé tragique devant lequel il était venu s'incliner.
Emmanuel Macron voulait renforcer sa stature présidentielle en renouant le dialogue.
Ces images l'ont plutôt fragilisé. C'est qu'entre le Président jupitérien, dont la parole devait se faire rare - c'est ce qu'il promettait en entrant à l'Elysée - et le Chef de l'Etat qui s'arrête hier matin dans un bar PMU de Bully-les-Mines, près de Lens, une ville de 13.000 habitants qui a voté à 59% au 2ème tour pour Marine Le Pen, et qui se met derrière le comptoir et répond aux questions d'une cinquantaine de clients auxquels il paie sa tournée. Ou encore qui grimpe au sommet d'un terril pour assurer qu'il a senti la crise morale profonde du pays. Si on ajoute un parler souvent relâché. La hausse du pétrole ? Mais ce n'est pas bibi. Il y a de quoi être un peu perdu.
On s'étonne, en effet. Mais il est là, le vrai Macron ?
A l'en croire, ce périple mémoriel aura été pour lui un vrai bonheur. On découvre un Président qui aime la castagne, aller se confronter à la colère, et même que l'hostilité le stimule. Parce qu'il pense qu'il a des arguments pour emporter l'adhésion. Il adore se jeter dans la foule, embrasser, toucher les mains, attraper par les épaules, comme un copain. "Je suis avec vous. On va y arriver tous ensemble". Les quolibets, à croire qu'il ne les pas entendus. "Les gens sont formidablement accueillants, ça me fait chaud au cœur", dit-il. Il est courageux, peut-être parce qu'il croit que le combat se termine toujours en sa faveur, comme lorsqu'il a été applaudi par les ouvriers de Renault, à Maubeuge, après qu'un jeune syndicaliste Sud lui a signifié qu'il n'était pas le bienvenu. Très applaudi, en effet, lorsqu'il dit : "le vrai pouvoir d'achat, c'est le travail".
Mais petite parenthèse : le patron, Carlos Ghosn, venait d'annoncer 450 millions d'investissements et 200 embauches l'an prochain. De quoi détendre l'atmosphère.
Si l'on écoute et lit les confrères, ce voyage sans précédent aura surtout été pour lui un chemin de croix.
Il est possible qu'il n'en touche pas les dividendes en termes de popularité, laquelle est en chute libre. Mais Emmanuel Macron était aussi en campagne de reconquête des élus locaux. Chaque jour, il a déjeuné ou dîné avec eux, grande opération séduction. Il les a écoutés parler longuement, entourés des ministres qui répondaient à leurs questions. Lui concluait ensuite. Et chaque fois, partout, il les a bluffés par sa connaissance des dossiers, et pour certains séduits, comme ils me l'ont dit. Car il est arrivé avec pas mal d'annonces, comme son engagement sur le pacte Ardennes pour réindustrialiser la région.
"Une rencontre positive mais vigilante", m'a dit un maire socialiste, car il faut maintenant que le Président tienne ses promesses. Si c'est le cas, les élus locaux sont l'un des meilleurs relais de confiance pour l'opinion. Un placement d'avenir pour Macron.