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SAISON 2016 - 2017

Manuel Valls a fait le choix de soutenir Emmanuel Macron pour la présidentielle 2017 et non Benoît Hamon, comme il s'y était engagé. Un choix cohérent avec ses idées mais traître à sa parole.

On est à 23 jours de la présidentielle. Côté PS, Benoît Hamon traverse une très mauvaise passe. Le soutien de Manuel Valls à Emmanuel Macron a été vécu par le candidat comme une trahison. L'ex Premier ministre a expliqué ce choix par le danger du Front National qu'il croit minimiser. Mais est-ce la seule raison ?

En réalité, Manuel Valls fait le pari risqué que cette élection présidentielle va permettre de recomposer le paysage politique et surtout une clarification au Parti Socialiste qu'il appelle de ses vœux depuis longtemps.

Quelques semaines après son arrivée à Matignon, en octobre 2014, il donnait une interview à L'Obs, où il faisait ce diagnostic : "La gauche peut mourir si elle ne se réinvente pas. Il faut en finir avec la gauche passéiste et trouver de nouveaux compromis entre toutes les forces progressistes du pays." Il avançait en 2012 : "Nous avons commis l'erreur de ne pas tendre la main à François Bayrou." Et lui, évidemment, se voyait bien dans le rôle du leader de ce renouvellement. Il suggérait même que le Parti Socialiste change de nom. C'était l'époque où les frondeurs attaquaient le nouveau ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, qui avait le grand tort d'être banquier chez Rothschild. Manuel Valls, qui avait plaidé pour son entrée au gouvernement, le gratifiait de son soutien, en vantant cette nouvelle génération qui apporte un souffle rafraîchissant.

En déclarant publiquement qu'il voterait pour Emmanuel Macron, Manuel Valls a fait le choix d'être cohérent avec ses idées, loyal avec lui-même mais traître à sa parole, puisqu'au soir du premier tour, il promettait de soutenir Benoît Hamon, incarnation de la gauche passéiste qu'il récuse.

Mais quel bénéfice politique Manuel Valls peut-il en tirer ?

Dans l'immédiat, aucun... D'ailleurs, Emmanuel Macron l'a remercié du bout des lèvres, faisant savoir sur le champ que jamais Manuel Valls ne ferait partie de son gouvernement. Mieux même, qu'il trouverait face à lui, à Evry, un candidat En Marche ! lors des prochaines législatives.

Mais avant de rendre publique sa décision, Manuel Valls avait demandé un rendez-vous à François Hollande pour avoir sa bénédiction ?

La recomposition de la gauche, François Hollande y songeait lui aussi. Dans ses confidences aux deux journalistes du Monde, lorsqu'il croyait sa réélection possible, il disait à propos du PS : "Il faut un acte de liquidation. Il faut un hara-kiri." Il jugeait nécrosé ce PS, né en 69 sur les décombres de la SFIO. Lui aussi envisageait de lui donner un autre nom. Pourquoi pas "le Parti du progrès", ajoutant que le meilleur nom serait "le Parti de la gauche, mais Mélenchon a déjà préempté la marque", regrettait-il. "Il faut bouger", disait le Président, mais à la façon de ces chanteurs d'opéra qui hurlent "marchons, marchons", en restant immobiles. Car avec lui, rien n'a bougé...

Alors que se sont dits François Hollande et Manuel Valls ? Peut-être que tous deux s'étaient faits avoir comme des bleus par ce Macron culotté.

C'est vrai que François Hollande ne l'a pas vu venir…

Il a même été avec lui d'une naïveté confondante. Il n'a pas anticipé la félonie de son protégé. Il lui pardonnait tout, comptait sur lui pour sa réélection. "Il sait ce qu'il me doit", disait-il à la télévision, au moment où l'intrépide lançait son mouvement En Marche ! Et mieux encore : "Emmanuel Macron, c'est moi", disait-il à nos confrères Davet et Lhomme, à la manière de Flaubert parlant de Mme Bovary.

Et voilà pourquoi François Fillon appelle Emmanuel Macron, "Emmanuel Hollande"...

Oui... Il le désigne comme le prolongateur du quinquennat Hollande, en raison des soutiens multiples des ministres de la Hollandie mais aussi tant il doute de ses capacités à réformer le pays. Ce que l'intéressé ne prend pas pour un compliment. Mais peut-être qu'au fond, cela ne déplaît pas à François Hollande qui jalouse mais admire aussi cette capacité à oser du jeune Macron. Un petit baume, alors qu'il vit ses derniers jours de Président.

En tout cas, François Hollande ne laisse pas entendre qu'il soutient Benoît Hamon...

Non. Il ne fera rien pour lui... Parce que d'abord il n'a  pas oublié qu'il était prêt à renverser le gouvernement sur la Loi El Khomri. C'est à ses yeux un séditieux. "Sans le PS, qu'est-ce-que c'est Hamon ? Pas grand-chose", disait-il... Ah oui, il était fumasse contre lui. Et puis pourquoi bouger alors que le Parti Socialiste n'a aucune chance d'être représenté au second tour de la présidentielle.