François Fillon a décidé de s'attaquer frontalement à l'Elysée. Cette stratégie peut-elle être payante ?
Dans un mois, le premier tour de la présidentielle sera déjà passé. Il ne restera qu'un duel en lice, lequel ? Une surprise est-elle encore possible ? En clair, François Fillon a-t-il encore une chance ? Jeudi, sur France 2, dans l'Emission Politique, il a choisi d'attaquer nommément François Hollande. Stratégie payante ?
Que l'Elysée soit à l'origine de ses malheurs judiciaires et des fuites dans la presse, qu'il y ait eu machination pour empêcher le vainqueur de la primaire de la droite d'accéder à l'Elysée, François Fillon en est convaincu. Parce que ça l'arrange ? Peut-être. Mais surtout parce qu'il croit vraiment que l'Elysée n'est pas neutre et accélère ou freine les dossiers embarrassants. La preuve : en juin 2015, il avait demandé à Jean Pierre Jouyet, le secrétaire général de l'Elysée, d'activer la justice contre Nicolas Sarkozy pour l'empêcher de revenir. Ce qui n'était pas très fairplay de sa part ! Un complot contre François Fillon ? Depuis les sorties dans Le Canard Enchaîné, un homme aussi paisible et mesuré que Gilles Carrez, président Les Républicains de la Commission des finances, le dit à qui veut l'entendre : "Tout vient de Bercy et de l'Elysée en violation du secret fiscal."
Donc, jeudi soir, François Fillon a choisi de mettre en cause l'Elysée.
Etait-ce prémédité ? Lui pensait que l'émission allait lui permettre de remettre sa campagne sur les rails. Enfin, il parlerait de son projet. L'actualité le servait : avec l'attentat de Londres, un sujet sur lequel il avait travaillé et même écrit un livre : "Vaincre le terrorisme islamique". Mais l'arrivée improbable de Christine Angot sur le plateau -on se souvient qu'il y a un mois, elle écrivait à François Hollande pour qu'il se représente : "ne laissez pas notre bateau échouer"- a remis les affaires sur le tapis. On l'a vue pleine de hargne et de fiel, d'une violence inouïe, qui au fond a servi François Fillon, demeuré imperturbable, en le faisant passer pour une victime de cette furie qui, comme elle l'a dit, avait été invitée pour lui lancer au visage ce que les journalistes étaient incapables de lui dire. Ambiance…
C'est cette attaque qu'il a dû subir qui a décidé François Fillon à passer à l'offensive et dénoncer le "cabinet noir" de l'Elysée ?
François Fillon s'appuie sur le livre-enquête de trois journalistes, dont deux du Canard Enchainé. Pas des amis comme il dit ! Son titre : "Bienvenu Place Beauvau - Les secrets inavouables du quinquennat". Il s'agit d'un réquisitoire très sévère contre le président. L'Elysée est décrit comme le cœur névralgique où aboutissent et sont livrées toutes les informations policières et judicaires avec des remontées qui n'épargnent personne : ni les Sarkozystes, ni les ennemis socialistes de François Hollande, tels Manuel Valls et son entourage ou Laurent Fabius. Et au fil du livre, le malaise s'installe. Les auteurs affirment qu'il existe une mécanique complexe aussi efficace que redoutable. A chaque maillon stratégique de la chaine, des hommes d'une loyauté à toute épreuve pour le Président : Michel Sapin à Bercy, Robert Gély, copain de régiment au ministère de la Justice. Qu'il s'agisse de TRACFIN, cellule de lutte contre le blanchiment d’argent, des services de renseignement, les journalistes écrivent que l'Elysée met la main jusqu'au fameux Parquet national financier créé après l'affaire Cahuzac pour mieux contrôler les affaires sensibles. Et chaque fois, ce sont les mêmes juges qui sont désignés pour les affaires qui intéressent le château. Car, si l'information remonte, les consignes descendent. C'est un livre très inquiétant qui dessine en creux un portrait de François Hollande assez machiavélique.
L'émission n'était pas terminée, que François Hollande a réagi pour démentir "des allégations mensongères".
Mais que pouvait-il faire d'autre ? Il n'y a pas de cabinet noir. Pur mensonge.
Les auteurs eux-mêmes ont contredit François Fillon : il n'y a pas de cabinet noir.
A se demander pourquoi ils ont écrit ce livre. Il n'y a pas de cabinet noir disent-ils. Mais là, ils jouent sur les mots puisque l'addition d'indices troubles et de témoignages étonnants interroge. Des policiers décrivent une structure clandestine. Voilà ce qu'ils écrivent. Ils semblent dépassés par leurs propres révélations et surtout par l'utilisation qu'en fait François Fillon. Et cela ils ne l'avaient pas prévu.
Stratégie payante ou pas ?
Les sondages de la fin d'émission révélaient que les soutiens les plus solides de François Fillon s'étaient renforcés. Mais ne risque-t-il pas d'indisposer les alliés les plus fragiles ? Ce matin, il perd 2 points dans un sondage BVA mais il y a encore des sondeurs qui disent que tout est possible.