William Galibert réalise le portrait du Premier Ministre Manuel Valls, personnalité souvent caractérisée par ses proches par son désir de confrontation.
Que ce soit sur la déchéance de nationalité ou sur la Corse, sujets qui ont pris toute la place pendant les fêtes, à chaque fois, le Premier Ministre a été au coeur des polémiques, il les a même parfois déclenchées ou attisées...
Sur la Corse, ce n'était pas une interview, c'était un brûlot. Quand il lance: "La Nation Corse? Je ne sais pas trop ce que ça veut dire", là, le Premier Ministre est dans son élément... Cette réplique, c'est un concentré de Manuel Valls. C'est sa manière d'être, son identité. Que vous interrogiez ses amis ou ses ennemis, ils vous répètent un mot : "la confrontation". Sauf que cette semaine, le boxeur a pu donner l'impression de ne plus maîtriser son jeu de jambes. Il a déclaré la semaine dernière "Une partie de la gauche s'égare au nom des grandes valeurs", phrase qui a fait s'étrangler Cécile Duflot et Benoit Hamon, puis Jean-Marc Ayrault et M.Aubry. Les éléphants s'étaient endormis, Manuel Valls les a réveillés brutalement, et ils sont furieux. Meme l'un de ses fidèles à l'assemblée concède :"sur ce coup là il y est allé trop fort, et il a raté sa cible...", comprendre : en ce moment, il est fébrile.
Sur le fond il a le soutien total de l'Elysée mais sur la forme, François Hollande a tiqué, les deux hommes se sont longuement parlé au téléphone et le lendemain paraissait une tribune sur Facebook sur la déchéance de nationalité, argumentée, étayée. Changement de ton, retour sur le fond. Mais meme avec le temps de la reflexion, une coquille se glisse dans le texte, une erreur factuelle sur l'Allemagne qu'il prend en exemple. Le voilà obligé d'effacer un passage. Quand ça veut pas...
Pourtant personne n'envisage que Manuel Valls soit remplacé à Matignon. Il a la confiance totale du Président de la République. Alors pourquoi cette apparence de febrilité? J'ai posé la question à ses proches... députés, élus locaux membres de cabinet et ... on sent bien une forme d'inquiétude. Un élu bien calé dans le sillage de Manuel Valls dit : "son énergie est atteinte".. et "ça se voit physiquement"... sur les angles d'un visage dont les traits se sont creusés au fil des mois. Il était le briseur de tabous de la gauche, sur les retraites, sur les 35 heures... il se faisait réprimander par les autorités socialistes de l'époque et maintenant, c'est lui qui doit distribuer les blâmes à chaque incartade d'Emmanuel Macron. Ministre de l'Intérieur, il s'épanouissait, d'opération coup de poing en déclaration matin et soir, aujourd'hui Bernard Cazeneuve incarne sans conteste la même autorité, mais sans l'agitation.
Alors quel avenir pour Manuel Valls? Et bien la voilà l'explication.... 2017... c'est une impasse. Personne ne doute de la candidature de François Hollande. Alors quoi? S'il l'emporte, que devient Manuel Valls? Un ancien premier ministre parmi d'autres, un retraité de 54 ans. C'est l'âge qu'il aura. Perspective inacceptable, mais alors quelle alternative..? A Matignon, on sèche, on a pas la réponse. Si jamais François Hollande perd, le PS est en ruines, la gauche aux abois, et ce serait le si droitier Manuel Valls qui incarnerait le salut. Là encore, hypothèse gris sombre. L'avenir anticipable semble bouché alors le Premier Ministre est en train d'en inventer un autre. LA fameuse recomposition avec le centre, avec les personnalités de bonne volonté à droite. Réinventer le jeu politique pourquoi pas en dehors des vieux partis... Tout cela, le Premier Ministre y pense, ça promet d'âpres combats, mais Manuel Valls à l'habitude...