Edwy Plenel affirme que la France a outrepassé le mandat de l’ONU sous Nicolas Sarkozy.
Vrai-Faux : les questions que soulèvent l’affaire Sarkozy.
L’ancien chef de l’État a été mis en examen hier pour "corruption passive", "financement illégal de campagne électorale", et "recel de fonds publics libyens". On ne connaît pas les éléments qui ont conduit la Justice à franchir ce pas, mais ses implications sont énormes, pour Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart.
"On peut se demander si Nicolas Sarkozy qui a outrepassé le mandat des Nations Unies dans cette intervention jusqu’à renverser le régime libyen et accompagner l’assassinat de son dictateur"
La France a outrepassé le mandat de l’ONU. Vrai ou faux ?
On ne peut pas l’affirmer, même si plusieurs pays ont tenu ce discours (la Russie notamment) pour se distancer, après coup, de l’offensive qu’ils avaient en fait permise. Car la résolution adoptée, dans de fortes tensions, le 17 mars 2011, autorise plusieurs interprétations : elle dispose que les intervenants prendront « toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations » en Libye. Le chapitre 7 autorise l’usage de la force, et si un changement de régime n’est jamais mentionné, la "responsabilité de protéger", si. Or cela, dans le langage subtil de l’ONU, implique que si la coalition considérait que le maintien de Kadhafi mettait les civils en danger, elle pourrait se dire fondée à le faire partir.
Or il faut se rappeler du contexte de époque. La Lybie est en pleine guerre civile. Kadhafi est en train d’écraser la révolte soulevée dans la foulée des printemps arabes. Il promet un bain de sang, il le dit, et même si la propagande qu'organise le Qatar à l'époque est mensongère, la Cour Pénale Internationale confirmera plus tard des actes de persécutions, des crimes contre l’humanité : on redoute réellement un massacre à Benghazi, la deuxième ville du pays, où se concentrent les "rebelles". L'occident, traumatisé par les drames du Rwanda, de Srebrenica, est sensible aux arguments de Sarkozy qui le premier, pousse à la guerre. Lui veut réparer l'erreur de la Tunisie, où la France, proche de Ben Ali, n'a pas vu venir la révolution, se donner une stature en période présidentielle. Mais la quasi-totalité de la classe politique applaudit. L’Angleterre va suivre, pour des raisons semblables, et les Etats-Unis, qui hésitaient, sont d’abord convaincus par le soutien de la Ligue Arabe qui fait savoir qu’elle aussi, est pour une intervention.
Sarkozy n'était pas seul, mais il était le plus zélé.
Oui, un rapport britannique l’a établi il y a deux ans. La France sera la première à frapper, mais 12 pays en tout, vont participer à ces frappes. En 10 jours, l’aviation de Kadhafi est broyée, mais l'intervention se poursuit, parce le Conseil National de Transition Libyen, donc la rébellion, que la France a reconnu la première, n’est pas en position de prendre le pouvoir. Donc la coalition va gagner du temps, soutenir les rebelles, afin qu’ils renversent Kadhafi.
La France avait-elle d'autres arrière-pensées, c'est possible. Mais on ne peut pas non plus réécrire l'Histoire. Grande-Bretagne, États-Unis, Qatar... Tous vont armer, entraîner des factions de rebelles qui étaient en fait islamistes. Cette colossale erreur de jugement est bien collective.
La France est-elle responsable de la mort de Kadhafi ?
On l’ignore. Les circonstances de cette mort, en octobre 2011, restent troubles. A-t-il été blessé dans un raid de l’Otan, lynché par les insurgés, ou bien exécuté par des services secrets infiltrés dans la foule ? Des sources anonymes ont impliqué la France. On n’a jamais rien pu prouver à ce jour.