Arlésienne de la politique, l'arrêt de l'ISF est-ce pour demain ? N'annonce-t-on pas sa fin "imminente" depuis plusieurs années ?
L’Impôt sur la Fortune vit peut-être sa dernière année.La plupart des candidats de droite à la présidentielle promettent sa suppression, et même dans une partie de la gauche l’idée fait son chemin, ce qui réjouit le patron du Medef Pierre Gattaz. "Ils (les politiques) osent parler de la suppression de l'ISF, ce qui était inconcevable il y a deux-trois ans ».
La suppression de l’ISF, une idée inconcevable il y a deux ou trois ans. C’est vrai ou c’est faux ?
Ce n'est pas tout à fait exact. La suppression de cet impôt, des milliers de gens l’ont évoquée depuis sa création en 1982. Manuel Valls lui-même dès 2010, l’actuel premier ministre, affirmait qu’il voulait l’abroger, une déclaration sur Canal +, volonté confirmée dans son livre L’énergie du changement un an plus tard, page 103 : je propose sans tabou de supprimer l’ISF, "peu rentable et source d’injustice." Ce qui est vrai, c’est qu’Emmanuel Macron, qui propose la même chose, n’existait pas encore, et que Valls était bien seul dans la sphère politique. Pourquoi ? Parce cet impôt, c’est LE symbole par excellence. Mitterrand l’a créé pour l’image en 82, pour montrer que les + riches devaient aider les pauvres. Chirac l'a supprimé lors de la première cohabitation, et quand Rocard l’a rétablit, c’était pour financer le RMI, le revenu minimum d’insertion. La droite s’est persuadée que c'est à cause de cela (la suppression de l’ISF) qu’elle a perdu les élections. Et le tabou, s’est figé. L’impôt est mal ficelé, même Roccard l’a reconnu, cela n’a pas empêché Alain Juppé de l’augmenter, en 1995, et personne, pas même Nicolas Sarkozy en 2007, n’a osé aller jusqu’au bout. Il l’a fortement réduit, ce qui lui a valu l’étiquette de président des riches. Deux français sur trois refusent toujours qu’on le supprime. Donc imaginez, pour que toute la droite, ou presque, et même certains à gauche, veuille maintenant l’enterrer, il a fallu que le vent tourne.
Justement Géraldine, qu’est-ce qui a changé.
Ce qui a changé Thomas, c’est que les finances vont mal. On frise les 100% d'endettement, 43 000 foyers fiscaux de millionnaires sont partis depuis 2000. Cet impôt, s'il rapporte chaque année 5 milliards à la France coûte bien davantage en perte d’activité. Ce sont des propriétaires d’entreprises qui les vendent à l’étranger, des actionnaires qui investissent moins parce qu’ils sont taxés. Le nombre de millionnaires qui paient l’impôt sur le revenu a fondu depuis 2012, 33% de moins. Or il faut se rappeler qu’en France 2% des français seulement acquittent 40% de l’impôt. Voilà pourquoi le tabou est en train de se briser, l’idée n’a jamais été inconcevable mais c'est la première fois, c’est vrai, qu’elle est si répandue.