La mort de Shimon Peres et le recul de la mondialisation : les experts d'Europe 1 vous informent

7:43
  • Copié
SAISON 2016 - 2017, modifié à

Axel de Tarlé, Géraldine Woessner et Sophie Larmoyer font le point sur l'actualité du jour.

Axel de Tarlé, experte économie

La mondialisation recule. Le commerce de marchandise est en baisse et c'est un renversement historique.

Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ?

Les faits d'abord.
Depuis une trentaine d'année, les échanges mondiaux progressaient deux fois plus vite que la croissance mondiale, ce n’est désormais plus le cas
Selon l'OMC, l'Organisation Mondiale du Commerce, le commerce mondial n'augmentera cette année que de 1,7 % alors que la croissance sera de 2,2 %.
Donc, oui, on peut parler de démondialisation.

Pourquoi ? Qu'est ce qui s'est passé ?

C’est tout d’abord le ras-le bol des peuples qui en est la cause. Donald Trump veut d’ailleurs taxer à 45 % les importations chinoises.
En Europe, plus personne ne veut du traité de Libre-échange Europe-Amérique.
C'est le retour du protectionnisme, ce que déplore l'OMC car fatalement, ce repli va appauvrir la croissance mondiale.

En même temps : Est-ce qu'on n'est pas allé trop loin dans la mondialisation quand on voit qu'un pot de yaourt parcourt des milliers de kilomètres avant d'atterrir dans notre réfrigérateur ?

C'est l'autre explication du recul de la mondialisation et une explication beaucoup plus positive.
Vous avez raison, les multinationales ont mis un coup d'arrêt à cet éclatement de la production. Ce grand carnaval, qui fait qu'un objet fait trois fois le tour de la terre, revient finalement à très cher et surtout, c'est très complexe à gérer. C’est également ravageur pour la planète avec beaucoup d'émission de C02.
Donc oui, on observe aujourd'hui, un raccourcissement de la chaine de production. On essaye de produire plus près du consommateur.
Et puis l'autre phénomène qui est concomitant, c'est que la Chine ne veut plus et ne peut plus, être l'atelier du monde. La Chine veut réorienter son économie vers les services, vers la consommation intérieure.

Voilà les phénomènes qui explique ce recul de mondialisation. En fait, on devrait plutôt parler d'un rééquilibrage de l'économie mondiale, plus durable sur le plan économique et sur le plan écologique.

Sophie Larmoyer, experte internationale

Les hommages se succèdent, en provenance du monde entier, pour saluer le parcours de Shimon Peres. L’ancien président israélien s’est éteint cette nuit à l’hôpital où il avait été admis il y a deux semaines pour un AVC. C’est une personnalité qui aura marqué l’histoire de son pays et de toute la région.

Shimon Péres était entré en politique à 25 ans, grâce à David Ben Gourion, le fondateur d’Israël, sa première élection au Parlement s'est faite à l'âge de 36 ans. Il avait mis fin à sa carrière il y a seulement 2 ans, à plus de 90 ans, en quittant la présidence du pays. Depuis d’ailleurs, il continuait ses activités à travers son Centre Pérès pour la paix.
Le principal héritage politique de Shimon Péres, c’est incontestablement cet engagement en faveur de la coexistence entre juif et arabes. On comprend la force de ses convictions en réécoutant sa voix, grâce à cette archive Europe 1 d’un jour historique, celui de la signature des Accords d’Oslo le 13 septembre 1993 à Washington. Pérès en était le principal négociateur, comme ministre des Affaires étrangères d’Itzak Rabin.
C’est Benoit Laporte, correspondant d’Europe 1 aux États-Unis à l’époque, qui traduisait Shimon Péres.

Et c’est un de ces discours qui font l’histoire. On se rappelle quand même que Shimon Pérès n’a pas toujours été la colombe dont on se souvient comme prix Nobel de la paix.

Non et même après avoir reçu ce prix en 96 par exemple, il est Premier ministre quand plus de 100 civils sont tués par les bombes israéliennes dans le village libanais de Cana, dans un camp de réfugiés de l’Onu.
Péres a aussi cautionné, dans les années 70, l’implantation des premières colonies en Cisjordanie occupée, des colonies déjà considérées à l’époque comme illégales par l’Onu. Il était alors ministre de la Défense, un secteur qu’il connaissait très bien puisque c’est là qu’il a démarré sa carrière. Dans les années 50, alors que Britanniques et Américains imposent un embargo, Shimon Péres obtient des armes auprès de la France.

Il a été ensuite le père du programme nucléaire israélien.

Absolument, avec la construction du réacteur de Dimona. Un programme controversé, mais Péres était convaincu, avec le recul, que l’effet de dissuasion avait joué en faveur de la paix et que Dimona avait été "le premier pas vers Oslo".
Alors faucon ou colombe ? Pérès disait au magazine Time, l’hiver dernier, que ce n’était pas lui qui avait changé mais la situation. Tant que l’existence d’Israël était menacée il était faucon et dès qu’il a senti que les Arabes étaient ouverts à la négociation, c’est ce qu’il a préféré aussi.

Géraldine Woessner pour le Vrai faux de l'info

Le vrai faux de l’Info, avec l’indécrottable optimiste, Bruno Le Roux.

Le président du groupe socialiste à l’Assemblée, fervent soutient de François Hollande, s’est retrouvé bien embêté hier pour commenter les mauvais chiffres du chômage du mois d’août. D’accord, il admet que la promesse d’une inversion de la courbe d’ici la fin de l’année, était une formule malheureuse, mais pour le reste :

Bruno Le Roux : "Vous dîtes toujours qu'on est optimistes mais depuis 2012, à part cette formule sur le chômage, toutes les prévisions du gouvernement ont été tenues, voire dépassées"

Toutes les prévisions du gouvernement ont été tenues depuis 2012, c’est vrai, ou c’est faux ?

Évidemment, c’est faux. Il y a même de quoi se pincer quand on reprend les documents budgétaires adopté par ce gouvernement. Premier projet de loi de Finances pour 2013, le budget est alors construit sur une prévision très optimiste, 0,8%. Pierre Moscovici, ministre des Finances, nous promet alors que le déficit va repasser sous la barre des 3% dès l’année suivante, il sera à 2,2% du PIB, dit-il, et les dépenses de l’État ne bougeront pas. En réalité, elles vont progresser de 10 milliards, la dette et le déficit se creuser et la croissance va stagner à 0,3%.

Voyons l’année suivante, le projet de loi de Finances 2014. Le gouvernement prévoit toujours alors une croissance confortable, de 0,9% avec un déficit à 3,6% du PIB et même un léger recul du taux de prélèvements obligatoire. Or cette année-là, les impôts atteignent des sommets, la dette publique explose et le déficit se creuse à 4% du PIB, bien loin donc des 2,2% promis au début du quiquennat.

Le gouvernement s’est trompé, mais a-t-il rectifié le tir ?

C’est vrai et c’est peut-être ce qui explique la perte de mémoire de Bruno Le Roux. Face aux critiques des économistes, le gouvernement a pu ajuster ses prévisions dans les lois de Finances rectificatives et modérer un peu son optimisme. Et puis en 2015, il change complètement de braquet. Cette année-là c’est vrai, il adopte des prévisions dans la ligne ou même en dessous-de ce qu’attendent les économistes avec une croissance à 1% et un déficit énorme à 4,3% du PIB, ce qui lui permet quand le vrai chiffre tombe, 3,5% de dire "on a fait beaucoup mieux qu’attendu ! ". Une stratégie intelligente, il faut le reconnaître, qui a le double avantage de rassurer Bruxelles. On montre que l’on fait des effort aux électeurs et à l’opinion publique.
 
Donc les prévisions ont bien été tenues, mais seulement depuis deux ans ?

Et ça ne va pas durer. Le ministre de l’Économie va présenter tout a l’heure son projet de loi de Finances pour 2017 qui est jugé peu réaliste puisqu’il prévoit une croissance d’1,5% et un déficit public ramené à 2,7% dès l’année prochaine. Personne n’y croit mais vous savez, tout redevient possible, avant une présidentielle.