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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

En pleine crise agricole européenne, la présidente de la Commission Ursula Von der Layen a fait une déclaration choc hier devant le Parlement à Strasbourg. Elle veut supprimer le projet de réduction de moitié l’usage de pesticides dans l’Union. Sacrée reculade.

Le plan, c’était de diviser par deux les volumes de phytosanitaires d’ici à 2030 par rapport à la période 2015-2017. Mais le Parlement européen a rejeté le projet de directive il y a peu. Les Etats ne sont plus très chaud pour la soutenir. Et pour cause, la stratégie est si radicale qu’elle a jeté les agriculteurs sur les routes. Ursula Von der Leyen fait la sourde oreille aux alertes depuis 2019. Maintenant que les tracteurs sont à Bruxelles, elle doit se résoudre à l’évidence : la proposition « est devenue un symbole de polarisation ». Marche arrière.

C’est une bonne nouvelle ?

Ca dépend de la façon dont on voit les choses. Réduire les usages de pesticides, ça doit rester un objectif essentiel pour l’Union européenne. Là-dessus, il n’y a pas de débat, c’est vital. Mais la façon dont était goupillé le projet était inepte.

Inepte ? 

On a décidé du pourcentage de réduction de 50% sur un coin de table. Je ne plaisante pas. C’est un chiffre rond, fourni par une vague ONG, il ne repose sur rien. On a fait exactement la même chose que ce qu’a fait la France quand elle a décidé en 2015  qu’il ne fallait pas plus de 50% de nucléaire dans son mix électrique. Une tocade du duo Hollande-Royal biberonné aux fantaisies de Greenpeace. Dans les deux cas, il n’y avait aucune justification technique, scientifique à ce chiffre de 50%. C’est effrayant. Mais c’est la réalité. Des politiques essentielles ont été décidées au pifomètre.

C’était un cap. Il fallait mettre en œuvre.

Il aurait fallu. Mais dans les deux cas, on s’est désintéressé des conséquences, l’intendance allait suivre. Tu parles. Ca a flingué l’investissement dans le nucléaire. On en paie encore les conséquences. On n’a pas fini de les payer. Pour l’agriculture même chose. Les spécialistes alertent sur des baisses de 10% à 20% des productions. Il n’y a aucune solution de prévue.

C’est à dire ?

Pour le l’énergie, on s’est vaguement dit qu’on mettrait des éoliennes, ici là. Combien ? Mystère. Pour l'alimentation, pareil. Personne ne s’est demandé quels devaient être les objectifs de production pour nourrir l’Europe et avec quelles technologies nouvelles les atteindre. La Commission a oublié un détail dans sa grande geste environnementale : nous mangeons trois fois par jour. La seule alternative ne s’appelle pas le jeûne, mais les importations.

Vous plaidez pour un autre plan de réduction des pesticides.

Oui. Et ambitieux. Mais rationnel cette fois. Avec des programmes de recherche. De l’argent pour la génomique, la robotisation, le biocontrôle. Espérons un miracle. Que la Commission européenne soit en train de se rendre compte que l'agriculture n'est pas un hobby mais une nécessité vitale? Et si  en plus elle remet les pieds sur terre, les choses à l’endroit et élabore une stratégie avec le réel et non malgré le réel, on aura fait un grand progrès.

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