Ben and Jerry’s : faites nous des glaces et pas la morale

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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

L’entreprise américaine Ben &Jerry’s est connue pour ses crèmes glacées. Elle l’est aussi pour ses prises de position politiques. Le Conseil d’administration a décidé appelle à un cessez-le-feu permanent à Gaza.

 “La paix est une valeur fondamentale de Ben & Jerry's et de l’Irak à l’Ukraine, l’entreprise a toujours défendu ces principes. " c’est ce que dit la présidente de Ben & Jerry’s, Anuradha Mittal. Une patronne  qui s’est déjà beaucoup exprimée sur le conflit au proche orient, remettant en cause la légitimité d’Israël à se défendre après les pogroms du 7 octobre. Le centre Simon Wiesenthal, une ONG qui lutte contre l’antisémitisme, a appelé au boycott de l’entreprise au motif qu’elle défend des positions antisémites. Pas bon pour les affaires.

Ces décisions à l’emporte pièces ont déjà valu à Ben & Jerry’s de gros ennuis avec sa maison mère.

La société anglo-néerlandaise Unilever, qui a racheté Ben &Jerry’s en 2000. En 2021, le vendeur de glaces a décidé de cesser de distribuer ses produits dans les territoires palestiniens occupés, selon les principes du mouvement BDS, boycott, désinvestissement sanction, dirigé contre Israël et pointé du doigt pour ses dérives antisémites.
Unilever, furieux, a réglé le problème en cédant les activités israéliennes a un franchisé local. Trop compliqué. Ben & Jerry’s a attaqué Unilever en justice. Ca s’est réglé à l’amiable, mais une filiale qui se retourne contre son propriétaire pour un différend-politique, ça fait mauvais genre.

Il faut dire que la marque Ben & Jerry’s a un avis sur tout.

Ses sites Internet ressemblent à des tracts de fac. Parfois, c’est défense du droit de vote, d’accord, parfois, c'est littérature militante, et pas des plus subtiles. On vous remet volontiers une petite boule de moraline dans le cornet. Ce positionnement, la marque le tient de ses fondateurs, Ben Cohen et Jerry Greenfield, des activistes qui ont réussi dans les affaires. En 2016, riches à millions, ils avaient été arrêtés dans une manifestation contre l'argent en politique. Ils vendent de la glace autant que de l’indignation.

Ben & Jerry’s est de tous les combats.

Rien ne lui échappe. C’est la marque attrape-tout des combats à la mode. Occupy Wall Street en 2012, Black Lives Matters en 2020, chez Ben & Jerry’s, on traite volontiers l’Amérique de pays de suprémacistes blancs. On endosse toutes les causes intersectionnelles : minorité sexuelles, minorité ethniques, c’est du bon beurre.

Ça ne s’arrête pas à l’Amérique.

On les a entendus s’en prendre, par exemple, au gouvernement australien, pas assez rapide pour promouvoir le mariage gay.
Tant  de belles intentions, de générosité inclusive, un si grand coeur au service des opprimés, ça finit par être louche. Ben & Jerry’s ne serait-il pas en train de faire du “ purpose washing”, c’est à dire une utilisation outrancière et cynique de valeurs morales plus ou moins authentiques pour les transformer en bon argent ?  L’entreprise saute d’une cause à une autre, parce que ça fait causer. (la preuve, j’en cause, c’est de la pub gratuite). Ca finit par être comme ses crèmes glacées : trop lourd, trop sucré, ça écœure un peu et ça colle aux doigts. Ben, Jerry, s’il vous plaît. Faites-nous des glaces, pas la morale.

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