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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

C’est cette semaine la semaine mondiale de l’antibiorésistance. Ce phénomène inquiétant qui  fait que certaines bactéries deviennent insensibles aux antibiotiques que l’on a trop utilisés. L’Anses a publié il y a quelques jours un rapport sur les usages de ces médicaments en France, notamment pour ce qui concerne la santé animale.

L’occasion de tordre le cou à une idée reçue : le secteur de l’élevage gaverait les animaux d’antibiotiques, et nous les consommerions massivement, via la viande, le lait, les œufs.

L’Anses tient des comptes précis des usages des antibiotiques en santé animale en France. Elle mesure les effets des plans Ecoantibios successifs, qui pilotent la réduction du recours à ces médicaments. Les résultats sont spectaculaires. Depuis  2011, l’exposition des animaux d’élevage aux antibiotiques, toutes espèces confondues a baissé de moitié. Et même de  80% depuis 1999.

Ça veut dire qu’on peut sortir des antibiotiques dans les élevages ?

Non. Quand les animaux sont malades, on les soigne. Mais on a appris à faire mieux avec moins.

Comment a-t-on pu obtenir de tels résultats ?

Des réglementations drastiques, des interdictions des classes de médicaments les plus générateurs de résistances. Et surtout, un travail de fonds qui implique les éleveurs, les vétérinaires, les techniciens de l’élevage. Plus jamais d’antibiotiques préventifs. Une observation fine pour prévenir l’apparition des maladies, plutôt que de les traiter. Les élevages ont revu l’hygiène, les ventilations, les litières et les abreuvoirs qui sont des vecteurs de bactéries.
On expérimente aussi des traitements alternatifs. Phytothérapies, huiles essentielles ! Il va sans dire que les animaux traités sont systématiquement écartés des abattages, le temps que les antibiotiques disparaissent de leur organisme.

Et ça marche dans tous les types d’élevages ?

Depuis 2011, les administrations d’antibios ont baissé de 23 % pour les bovins, 67 % pour les porcs, 72 % pour les volailles, et même 64 % pour les lapins, qui sont des animaux particulièrement sensibles aux maladies

Il y a cependant des animaux pour lesquels cela ne baisse pas.

Les animaux domestiques. Ceux qui sont le plus près des humains. Depuis 2011, l’exposition des chats et des chiens aux antibiotiques n’a presque pas bougé. Et pour les chevaux, pareil!

Ça veut dire quelque chose du comportement des Humains ?

Oui ! Chats, chiens, chevaux sont des animaux du foyer. On les traite comme des enfants ! L’homme est l’animal le plus rétif à toutes les réductions d’usages d’antibios. Les prescriptions ne baissent absolument pas depuis 2011. En 2022, il y a même eu des hausses ! les Français sont les plus gros consommateurs d’antibiotiques d’Europe : trois fois plus que les Néerlandais,  deux fois plus que les Allemands.
Et ils les gobent souvent à mauvais escient, contre les virus, par exemple. Un paradoxe ! Ils sont obsédés par le risque d’antibiorésistance que leur ferait courir l’élevage, qui est très vertueux dans ses usages. Mais ils sont incapables de se raisonner eux-mêmes !