Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Un exercice de calcul effarant, ce matin, celui de l’inflation des normes et des lois en France. On en parle, mais il est bon de savoir le quantifier. Et quand on y parvient, on n’est pas déçu.
C’est ce que s’est dit un conseiller d’Etat, Christophe Eoche-Duval, qui prend souvent la plume en tant qu’auteur dans la presse juridique et législative spécialisée. C’est de son article dans la Semaine juridique, paru fin mai, que je tire cette chronique.
Christophe Eoche-Duval a voulu vérifier deux choses. D’abord, si notre impression d’une production juridique énorme, disproportionnée, toujours plus volumineuse est réelle. Et si la fameuse idée de la simplification et de la frugalité législative, qui est dans l’air du temps, aune traduction concrète dans la réalité.
Christophe Eoche-Duval a pris sa calculette.
Oui, et il a ouvert avec délectation le récent bilan annuel du Secrétariat général du gouvernement, qui effectue depuis 2018 un suivi statistique des normes françaises, au travers de 23 indicateurs. Oui oui, ça existe. Il a choisi un critère simple pour évaluer le volume de textes normatifs et son évolution.
Il a tout simplement utilisé le nombre de mots comptabilisé par Légifrance, le site du service public de la diffusion du droit. Il a compté qu’au début de cette année 2023, notre droit, toutes catégories confondues, comptait 45,3 millions de mots.
Et depuis 2002, en 20 ans, donc, le volume de ces mots du droit a doublé. La voilà donc, notre fameuse inflation normative en un chiffre. Le fameux poids des mots qui pèse sur nos épaules
Il y a quand même une relative bonne nouvelle.
Au fil des quinquennats, le rythme de gonflement du corpus des lois semble se ralentir. Le quinquennat Macron I n’a augmenté le stock de mots « que » de 15%. François Hollande l’avait fait enfler de 16,34% par rapport au corpus laissé par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, qui lui-même était auteur d’une inflation de 19,9%. Jacques Chirac, lui, avait fait grossir la norme de 20,90% de mots en plus.
Est-ce qu’on entre enfin dans une période de sobriété ?
Il y a des indices, qu’il faut prendre avec prudence. Au cours de l’année 2022, non seulement la croissance du stock de mots s’est limitée à 2,56% (contre 3,6% l’année précédente).
Le nombre de textes produits par le législateur français a aussi beaucoup décru :
-36% pour les textes de loi, -102% pour les ordonnances, -3% pour les décrets réglementaires. Enfin, ne nous réjouissons pas trop vite, c’ets sur un an, une rechute est vite arrivée.
Mais comment s’y retrouver, quand on est un citoyen ?
Un citoyen qui, c’est bien connu, n’est pas censé ignorer la loi. Christophe Eoche-Duval s’est livré à un autre calcul. En admettant qu’on lise tout le droit français au rythme de croisière de 300 mots à la minute, il faut 2 516 heures pour être au top de la connaissance des règles françaises. 104 jours sans pause. Si vous ne saviez pas quoi faire cet été.