Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Semaine du Salon de l’Agriculture. On le sait, le secteur est une mine de sujets absurdes. Vous nous parlez aujourd’hui des endives. Et de leur mort programmée.
Vous aimez ça, vous, les chicons et les chicorées ? La France est le premier producteur mondial: 140 000 tonnes par an. Profitez-en. C’est la saison et c’est peut-être la dernière année que vous en trouvez en quantité et à un prix abordable sur les étals.
La filière est menacée de destruction. Quand, pendant cette crise agricole que nous traversons, on parle de perte de souveraineté alimentaire, de filières laissées sans solution, on est là dans un cas concret, avec une échéance bien identifiée.
Qu’est ce qui se passe avec les endives ?
L’Union européenne a décidé d’interdire l’an prochain trois produits phytosanitaires dont je vous épargne les noms, mais sans eux, la culture de l’endive est menacée. Une des molécules permet de lutter contre les pucerons, un ravageur vraiment vorace des endives et à l’heure actuelle, aucune solution de rechange n’existe. Ca signifie qu’en cas d’attaque de pucerons, les agriculteurs peuvent perdre tout ou partie de la récolte, comme cela s’est passé avec les betteraves en 2020.
Mais justement, après les difficultés de la filière betterave, on a beaucoup entendu le slogan “ pas d’interdiction sans solution”, de la part des pouvoirs publics. Il a été remis en avant dans la crise agricole !
Oui. C’est un cas d’école. Est-ce que la France peut tenir cette promesse pour ses agriculteurs ? On connaît les erreurs à ne pas commettre : on les a déjà faites avec la betterave ! La solution, c’est de prendre le temps d’un un plan d’attaque pour préparer la sortie des produits. On mobilise les moyens, avec des points d’étape réguliers, pour obtenir de nouvelles variétés, élaborer des techniques de biocontrôle, ou des robots désherbeurs appropriés. Mais ça prend un peu de temps. Et la filière ne peut pas prendre le risque de se retrouver sans filet.
Elle peut se faire entendre ?
Elle l’espère. Mais c’est une toute petite filière : 350 producteurs, 5.000 emplois directs et indirects, à 90% dans les Hauts de France. Une production de niche dans trois pays : la France, la Belgique, les Pays-Bas et une consommation elle aussi de niche : on en mange dans six pays européens. Autant dire que le chicon n’intéresse pas grand monde. Il pourrait rejoindre les cerises, les noisettes, les épinards, la moutarde, des productions en perdition pour les mêmes raisons : des impasses techniques volontairement infligées. Pas anodin ! Ca concerne aussi la chicorée à inuline, qui sert à produire des médicaments.
Est-ce qu’on peut faire quelque chose ? Oui, mais il y a urgence : les plantations ont lieu en juin. Sans réponse d’ici là, beaucoup d’agriculteurs vont jeter l’éponge et les productions vont s’effondrer.