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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Le fret de la SNCF éparpillé par petits bouts façon puzzle. La France est obligée de le démanteler et de tout remettre à plat, ce sera effectif le 1er janvier prochain.

Ca paraît fou. La France doit fermer les activités de fret de la SNCF et les reconstruire sous une autre forme. Ca s’appelle une procédure de “discontinuité”.
Concrètement, l’entreprise Fret SNCF, qui gère la moitié des trains de marchandise de France, cessera donc d’exister le 31 décembre. Aussitôt remplacée, dès le 1er janvier 2025, par deux autres sociétés. L’une s’appelle Hexafret, elle sera chargée du fret ferroviaire stricto sensu L’autre, Technis fera la maintenance des locomotives. Dans l’opération, la SNCF va abandonner 30% des lignes de fret qu’elle gère soit 20% de chiffre d’affaires.

Derrière ce mécano, il y un conflit entre la France et la Commission européenne.

Début 2023, les autorités de la concurrence européenne se sont intéressées aux subventions que la France a versé depuis le début des années 2000 à Fret SNCF qui était mal en point. Et elle est tombée sur un os : elle estime qu’après 2007, c’est à dire l’arrivée de la concurrence dans le secteur du fret ferroviaire, la France a favorisé son opérateur national, au détriment des nouveaux arrivants. Une distorsion de concurrence, c’est illégal.

La France a plaidé sa cause, ça n’a pas marché. La Commission européenne estime que la France a versé cinq milliards d’euros de subventions indues à Fret SNCF.

Il fallait donc que la SNCF rende les 5 milliards d’euros à l’État.

Evidemment impossible. Fret SNCF, ça représente 750 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. S’il avait fallu rendre les cinq milliards, l’entreprise aurait été en faillite immédiate

Alors, l’Etat a négocié une solution avec Bruxelles.

Oui : avec un très bon argument. Si Bruxelles tue le Fret ferroviaire français, elle favorise le transport routier... Qui, en France, émet 14 fois plus de Co2 que le train à service comparable. Ridicule... Et en contradiction avec ses objectifs écologiques.
C’est donc là qu’est arrivée cette fameuse idée de la “ discontinuité” juridique. La SNCF ferme Fret SNCF, et sa dette de 5 milliards tombe aux oubliettes. Elle peut rouvrir des activités de fret, mais de taille réduite. C’est la réparation du préjudice : Il faut redonner aux concurrents la chance qu’ils ont perdu avec les distorsions.

Ça passe mal à la SNCF

Les syndicats sont révoltés, et aussi inquiets pour le sort de 500 cheminots, soit un dixième des effectifs de Fret SNCF, qui seront reclassés dans l’entreprise. Ils ont le sentiment qu’on casse le transport de marchandise public. Mais pour rude que ça paraisse, c’est la seule façon de donner une chance de survie au fret et peut-être, de le relancer.

Il en a bien besoin.

La part des biens qui circulent sur des rails en France est de 9%. C’est 18% en moyenne pour l’Europe. Nous sommes des mauvais élèves. Deux raisons à ça. Les grèves et le mauvais état de notre réseau ferré, qui poussent les clients à préférer la route. Une concurrence peut en cacher une autre