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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

L’image marquante du week-end est iranienne. Elle raconte une histoire de résistance et de courage.

L'image d’une femme marchant les bras croisés sur un trottoir de Téhéran, vêtue seulement de ses sous-vêtements. Elle s’appelle Ahou Daryaei. Elle est doctorante en littérature française. Et si elle est ainsi presque nue dans la rue, c’est parce qu'elle se trouvait à l’université de Téhéran sans hidjab, dans une tenue considérée comme impudique, les forces de sécurité du régime islamique s’en sont pris à elle, ont déchiré ses vêtements en la molestant. Elle a enlevé ce qui lui restait en signe de protestation. C’est cela qu’on voit, une femme qui résiste à l’obscurantisme.

Sait-on ce qu’elle est devenue ?

Elle a été internée dans un hôpital psychiatrique, le régime cherche évidemment à la faire passer pour folle. C’est ce que font systématiquement les dictatures : psychiatriser les esprits libres. Et on peut maintenant craindre pour sa vie. Cela fait maintenant deux ans que les femmes iraniennes tiennent tête aux mollahs, depuis qu’un voile mal porté a coûté la vie à Masha Amini en octobre 2022. D'autres ont depuis perdu la vie pour avoir manifesté ou refusé le voile, pour avoir déambulé impudiquement, tête nue.

L’image d’Ahou Daryaei marchant dévêtue à Téhéran provoque des réactions ici en France.

Forcément, l’image est forte, elle est commentée, relayée sur les réseaux sociaux. Mais le visage d’Ahou Amini met surtout en lumière deux choses. D’abord, l’indifférence quasi générale autour du sort des femmes iraniennes. Pas de pétitions. Pas de grands appels à la justice internationale, Pas d’imprécations à l’encontre des fanatiques religieux au pouvoir en Iran. Mi- septembre  à Paris, une manifestation pour les deux ans de la mort de Masha a réuni 700 personnes. Pas une des néo féministes médiatiques ne s’est déplacée.

C’est la deuxième chose révélée par l’image de Ahou Daryaei.

L’incroyable duplicité du néoféminisme occidental. Il tente d’expliquer qu’on peut sérieusement s’insurger du sort réservé à une iranienne qui se dévoile, tout en soutenant ici la “liberté” de se voiler, voire “l’embellissement” par le voile, selon la formule honteusement célèbre de Sandrine Rousseau.

Comme s’il n’y avait pas ici, comme à Téhéran, la même injonction communautaire, patriarcale, sociale et religieuse faite aux femmes musulmanes d’être soumise, modestes, pudiques et donc voilées. Comme s’il n’y avait pas la même idée qu’une femme tête nue est un bien de consommation avarié aux yeux des hommes. Comme si les islamistes fanatisés ici ne partageaient pas la vision des mollahs à Téhéran qu’une femme tête nue est une femme immorale et perdue.

Les néoféministes, naïves ou complices, ont inventé le concept de charge mentale pour les tâches ménagères mais sont incapables de dénoncer le voile pour ce qu’il est : la matérialisation d’une insupportable charge de la pureté imposée physiquement  aux femmes.