Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Les agriculteurs encerclent Paris, ce qui ne veut pas dire que la ville est bloquée et que ses approvisionnements en nourriture sont compromis. Mais voilà que resurgit le fantasme du circuit court et de l’agriculture urbaine.
C’est un billet de Libération , intitulé “Affamer Paris en trois jours de blocage? Pas avec les circuits courts” qui m’a donné envie d’évoquer ce sujet ce matin. Parfois, il est bon de remettre quelques ordres de grandeur dans des raisonnements aussi hors sol qu’une tomate cultivée en aquaponie.
Le billet commençait par un constat exact :Paris, 2.1 millions d’habitants intramuros affiche un taux extrêmement bas d’auto-approvisionnement, c’est à dire de nourriture trouvée dans la ville et l’aire périurbaine : 1.27%. Il faut faire mieux pour ne pas être coincé.
On peut faire mieux ?
L’auteur du billet est confiant ! il suffit de 11.000 hectares de surface agricole pour nourrir la population parisienne en fruits et légumes. “La marche ne semble pas si haute, c’est la surface de la commune”, explique-t-il. Là, ça commence à pécher un peu. Parce que si Paris ne produit pas ses fruits et légumes, c’est justement parce qu'on ne va pas la raser pour en faire un jardin. Et puis, on ne se nourrit pas que de légumes. Les céréales, c’est un quart de notre ration calorique. Le blé, ça pousse mal dans un pot de fleurs.
Paris, c’est quand même une ville pionnière de l’agriculture urbaine.
La plus grande ferme urbaine d’Europe est à Paris, sur le toit du parc des expositions de la porte de Versailles, on y cultive tomates et fraises sur la mirobolante surface d'un demi hectares, soit les deux tiers d’un terrain de foot, Heureusement qu’on ne compte pas trop là dessus pour remplir les assiettes.
La ville de Paris possède 250 hectares de bonnes terres dans sa périphérie, qu’elle veut cultiver pour sa subsistance.
La ville peut atteindre une certaine autonomie avec ça ?
Un hectare de terre agricole produit l’équivalent de 25.000 baguettes sur un an, ou de 3.850 kilos de pâtes. Petite règle de trois. En mettant à profit 250 hectares, on peut offrir trois baguettes par an à chaque parisien ou 500 grammes de pates. C’est léger. Paris consomme 1,3 millions d’œufs par jour. Il va falloir construire un paquet de poulaillers de balcons.
Est-ce qu’il faut abandonner cette idée de circuits courts ?
Certainement pas. Mais en gardant les yeux en face des trous. Paris, est situé au milieu d’une des plus fertiles zones agricoles d’Europe. Les productions de légumes y abondent. L'élevage est présent. Les premiers champs de céréales sont à moins de 10km du périphérique. Si les tracteurs peuvent aussi facilement encercler la ville, ce n’est pas par miracle. Ils sont tout à côté.
Ce fantasme de l’agriculture urbaine dit une chose : Paris et une partie de ses habitants ne regardent pas autour d'eux. Ils fantasment le jardinage comme la forme ultime de l’agriculture. Et ils ont un petit complexe de supériorité en pensant qu’ils font mieux que les professionnels avec une récolte annuelle de tomates cerises de balconnières.