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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

La mort du président iranien Ebrahim Raïssi dans le crash de son hélicoptère a été confirmée hier par un communiqué officiel du Gouvernement, après des heures de démentis et d’atermoiements. Cela a ouvert une étrange séquence d’hommages officiels.

Que des groupes terroristes islamistes comme le Hamas palestinien ou le Hezbollah libanais aient salué celui qu’ils qualifiaient de “protecteur de la résistance”, cela ne surprendra personne, tant l’Iran a armé leur bras. Mais il y a des scènes qui passent moins bien. Le Conseil de sécurité de l’ONU ait observé une minute de silence, à la mémoire du président iranien. C’est dérangeant et indécent. Mais après tout, cette minute de silence est la continuité d’années de silence face aux atrocités commises par le régime des Mollahs.

Tristement prévisible.

Ca fait un moment qu’on n’attend plus que l’ONU soit une boussole pour les droits de l’Homme. J’avais raconté ici, en novembre dernier, comment le représentant de la république islamique d’Iran a-t-il été choisi pour présider le forum social de l’ONU, supposé promouvoir l’exercice de tous les droits de l’Homme par tous. C’était un crachat au visage des opposants torturés et des femmes assassinées pour aller tête nue, en voici un autre.

Mais plus choquant, selon vous, il y a le message de condoléances de l’Union européenne.

Par la voix de Charles Michel, le président du Conseil européen, c’est à dire l’institution qui réunit les chefs d’Etat et de Gouvernement des 27. “ L'UE exprime ses sincères condoléances pour le décès du président Raïssi et du ministre des Affaires étrangères, ainsi que d'autres membres de leur délégation et de leur équipage, dans un accident d'hélicoptère. Nos pensées vont aux familles.” Condoléances sincères. Et pourquoi pas regrets éternels, tant qu’on y est.

Peut-être que c’est de la diplomatie.

Mais qu’est -ce qu’elle dit, cette diplomatie-là ? Que les Etats européens sont affligés de la mort de celui que l’on nomme le “Boucher de Téhéran”, à qui on attribue la mort de milliers de civils en 1988, qu’il a supervisée en tant que procureur? Un homme qui était toujours un pilier d’un des systèmes les plus répressifs au monde ? Qui détestait l’occident et ses valeurs ? Qui était pressenti pour reprendre le flambeau du mollah Khamenei, dont il aurait continué les exactions?

Au mieux, ce message est hypocrite, et on se demande bien à quoi il sert. Il n’y a même pas l’excuse cynique de devoir préserver des relations commerciales ou diplomaties. Les deux sont minimales.

Au pire, ce communiqué de condoléance est réfléchi, et c’est, encore, un spectaculaire bras d’honneur de l’Europe, qui se veut terre de liberté, à tous ceux qui luttent pour la leur, partout dans le monde.  Alors, non, on ne demande pas à Charles Michels de sauter de joie. Mais peut-être aurait-il pu souhaiter aux Iraniens que la mort de Raïssi ouvre le chemin de la liberté. Ou, si vraiment c’était trop difficile, il restait une option : savoir se taire.