Quand la justice condamne la victime

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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Le monde à l’envers. Une victime condamnée, ça se passe dans l’Hérault.

Histoire édifiante racontée par les médias régionaux, dont le Midi Libre, celle d’un exploitant forestier de Saint-Gervais-sur-Mare, dans l’Hérault, donc, spécialisée dans la fabrication de piquets pour les vignes et les clôtures. Il vient d’être condamné à 1000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Béziers pour avoir provoqué l’accident de voiture des voleurs qui  s’enfuyaient de chez lui, après avoir dérobé son carburant.

L’affaire provoque un grand émoi dans la région, dans le monde agricole.

Oui. Parce que l’histoire est représentative d’un immense ras-le bol, celui des vols à répétition dans le monde agricole, de machines, d’essence, de productions, aussi. Des razzias incessantes et impunies.

 L’agriculteur en question a été victime, depuis son installation en 2023 de très nombreux vols de carburant et de matériel. “Je n’ai pas arrêté de porter plainte, dit-il. J’ai amené suffisamment de preuves aux gendarmes parce que j’ai installé des caméras sur ma propriété.” Il a suivi à la lettre les consignes qui sont données par la gendarmerie et les syndicats. Mais il ne s’est pas passé grand-chose. Les vols ont continué. Jusqu’à ce jour de mai dernier

L’agriculteur a repéré grâce à ses caméras des intrus en train de voler sur sa propriété.

“J’y suis allé et je suis tombé nez à nez avec les voleurs, raconte l’agriculteur.  J’ai pris ma voiture, je les ai suivis. En même temps, j’ai alerté les gendarmes. Dans un virage, il faisait sombre, je n’ai pas vu la voiture, je les ai percutés, ils ont terminé dans le fossé, mais ce n’était pas intentionnel."

Et les voleurs ont porté plainte ?

Oui, ça paraît surréaliste, mais pris la main dans le sac, ils ont quand même porté plainte ( ce qui en dit long sur la crainte qu’inspire la justice). Et il y a encore plus abracadabrant, mais en dépit d’un principe de droit qui dit que nulle action ne peut naître d'une cause illégitime, la justice a jugé la plainte recevable.

L’agriculteur, qui n’a même pas essayé de se faire justice lui-même, puisqu’il a alerté les gendarmes, a donc été condamné à payer 1000 euros aux voleurs, lesquels ont été condamné à des peines avec sursis pour leurs prédations. Vous avez bien entendu.

Une morale à cette histoire ?

Quand les gens honnêtes ne parviennent pas à faire valoir leurs droits à être protégés et défendus, quand la plainte des voleurs a plus d’échos que celle de leurs victimes, on en droit de penser que quelque chose fonctionne vraiment de travers et de ressentir une forme de révolte. C’est un boulevard pour les populismes. Il n’y a là aucune morale, aucune logique et pire, un Etat de droit en lambeaux. 

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