Suppression de l’épreuve de français aux concours des écoles d’ingénieurs : quelle mauvaise idée et pourtant...

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L’épreuve de Français va disparaître du concours commun d’entrée pour 18 écoles d’ingénieurs. Ce sera le cas pour la session 2025. L’épreuve est jugée “anxiogène.”

On parle d’un concours appelé Puissance Alpha, qui permet d’accéder directement après le bac, via Parcoursup, à des écoles qui forment des ingénieurs en chimie, en numérique, en travaux publics ou en génie civil. Les postulants ne passeront plus d’épreuve de Français. Les organisateurs du concours ont décidé de la supprimer. Leur explication : «Nous avons constaté que cette épreuve pouvait être anxiogène pour les candidats, ou à l’inverse qu’ils la négligeaient. De plus, elle ne faisait pas de différence notable dans l’évaluation, et elle pouvait être socialement discriminante»

Anxiogène ? Discriminante ? Mais qu’est-ce qu’il y avait dans cette épreuve de Français ?

Un QCM. Oui, un questionnaire à choix multiples basé sur la compréhension de textes, sur de la grammaire et de l’orthographe. Pas une dissertation qui aurait pu révéler des dyslexies, ou une mauvaise orthographe. Non. Un questionnaire. Les épreuves écrites vont maintenant à se limiter aux mathématiques, aux sciences appliquées et l’anglais, toujours sous forme de QCM. Oui, parce qu’il va bien y avoir de l’anglais, visiblement moins anxiogène.

Quel est le message envoyé aux étudiants ?

Horrible. Tout est dans cette justification : la suppression de l’épreuve est une façon de s’adapter « aux réalités des étudiants ».  Pas de “ détecter des talents différents” ou de “ faire émerger des profils originaux”, non. Les organisateurs avouent qu’ils ne cherchent plus les meilleurs pour peupler les écoles, ils abaissent les exigences. Message terrible qui dit les postulants sont devenus trop nuls pour affronter ce que des générations avant eux ont affronté, un test dans la langue du pays où ils vivent. On va donc casser le thermomètre.

Ça pose des questions pour les qualités futures de ces ingénieurs.

Un bon ingénieur doit savoir lire et comprendre un document pointu, parfois rédiger des textes précis, nécessitant du vocabulaire, de la syntaxe et une grammaire qui évite les contresens. Une grande part du job des ingénieurs, dans les prochaines années, consistera à de concevoir des commandes pour l’Intelligence Artificielle, de lui parler pour qu’elle réalise des projets. Qui peut penser que des gens ne maîtrisant pas la langue française, qui est a priori leur langue maternelle le feront mieux en anglais ? Une langue pauvre, ça dit une compréhension du monde pauvre. Et une capacité à imaginer à “ingénier” tout aussi pauvre

Mauvais choix ?

Choix à contretemps surtout. Dans un sursaut de conscience, Sciences Po a compris cette année le désastre qu’a été le nivellement par le bas de son recrutement sur dossier. Une épreuve écrite va faire son retour, qui sera “socialement non-discriminante". C’est ce qu’on dit chez Sciences po, où on est terrorisé à l’idée du classement. La morale de tout ça : les concours ne veulent plus avoir à choisir, à détecter les meilleurs ou le mérite, comme une immense école des fans pour jeunes adultes. Ce que ça prépare comme déconvenues pour la jeunesse dans la vie active, c’est une autre histoire

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