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C’est une affaire qui, en son temps, a défrayé la chronique. Entre mars et juin 1671, à Paris, 26 jeunes hommes disparaissent sans laisser de traces. Ont-ils été victimes d’un tueur sanguinaire? Des sergents recruteurs de l’armée royale les ont-ils enlevés ?

Nous sommes à Paris, en 1671. La capitale est relativement sécurisée grâce au nouveau lieutenant général de police, Gabriel Nicolas de La Reynie. Avant son arrivée, certaines rues de Paris se transformaient en véritables coupe-gorges à la nuit tombée. Grâce à lui, les choses se sont un peu arrangées quand commence notre histoire.

Une affaire sans aucun indice

Entre mars et juin de l’année 1671, on constate la disparition de vingt-six jeunes hommes. La population se met à trembler, on se verrouille chez soi comme au mauvais temps. Ces vingt-six disparitions sont énigmatiques, rapides et impunies. La police ne dispose d’aucun élément, à part le fait que les victimes sont toutes des hommes, jeunes, aucun n’avait moins de 18 ans.

On commence à chuchoter, on se dit que ces jeunes hommes ont peut-être été pris par des sergents recruteurs un peu zélés. Après tout, les armées du roi ont besoin de recrues. Si c’est le cas, il n’y a rien d’étonnant à ce que les perpétrateurs agissent en toute impunité et qu’on ne trouve aucune preuve.

Une chose est sûre : avant leur disparition, ces hommes ont tous été vus en compagnie de jolies jeunes filles, à proximité de cabarets à la réputation douteuse.

Après une première enquête, il apparaît vite que les sergents recruteurs du roi sont hors de cause. Mais alors, qui est responsable de ces enlèvements ? La police n’a jamais retrouvé le moindre vêtement, le moindre objet, encore moins le cadavre des victimes.

Le piège de La Reynie et Lecoq

La Reynie se trouve impuissant face à cette étrange affaire et en informe le roi. Celui-ci décide alors d’offrir une récompense de 1000 livres, pris sur sa cassette personnelle, à celui qui retrouvera le brigand responsable.

C’est une somme énorme, La Reynie est piqué au vif. Il désigne l’un de ses subalternes, un nommé Benoît Lecoq, pour travailler avec lui sur l’affaire. Lecoq a la particularité d’avoir un fils de 17 ans, très beau, du nom d’Exupere. Exupere l’Eveillé, de son surnom, car il est malin et vif. On se dit que s’il y a derrière cette affaire une quelconque messaline, Exupere sera une proie tentante.

Le jeune homme, richement vêtu, arbore une chaîne en or et une précieuse chevalière au doigt. Il flâne dans les rues de Paris pendant plusieurs jours, faisant ostensiblement sonner sa bourse pleine d’argent. Le 14 juillet, près des Tuileries, une ravissante jeune fille accompagnée d’un chaperon le regarde de façon insistante, lui sourit et disparaît dans un carrosse. La chaperonne s’approche alors du jeune homme et lui demande s’il souhaite rencontrer sa maîtresse.

Une terrifiante découverte

Elle n’est à Paris que depuis six mois, c’est la fille d’un prince polonais et d’une jeune marchande de la rue Saint-Denis. Son père, en homme honnête, voulait la reconnaître, et se rendit en Pologne pour demander la permission auprès du roi. Il fut assassiné sur la route. Le roi envoya des émissaires pour trouver la jeune fille et décida que toute la fortune du prince Jabirowski lui reviendrait, étant donné qu’il avait eu l’intention de la reconnaître. Elle devint donc la princesse Jabirowska. C’est en tout cas l’histoire que raconte la chaperonne.

Exupere se montre intéressé. Il réplique que son père est un riche médecin périgourdin, qu’il a lui-même beaucoup d’argent. Il lui donne rendez-vous le soir-même devant le porche de Saint-Germain l’Auxerrois, à proximité du Pont Neuf.

L’heure venue, Lecoq père se tient en embuscade et observe son fils être amené jusqu’à une maison un peu lointaine. Exupere est accompagné jusqu’au salon illuminé, où se trouve la fameuse princesse Jabirowska. Elle le séduit immédiatement et le jeune homme perd un peu de sa lucidité. Lecoq est très inquiet, la police décide d’intervenir.

La maison est fouillée, on découvre alors l’horrible vérité. Derrière un paravent se trouve une armoire secrète, profonde. Derrière cette armoire, vingt-six têtes d’homme coupées et soigneusement momifiées reposent sur des plateaux d’argent. Derrière des vitres se trouvent d’autres têtes. C’est la collection de la princesse Jabirowska.

La véritable histoire de la princesse

La police tient enfin celle qui terrorise Paris depuis trois mois. La princesse continue son baratin, raconte à nouveau l’histoire du prince assassiné et de son héritage. Mais sous la pression, elle finit par tout confesser.

C’est en fait une Anglaise, du nom de Guilford, qui a embauché une fausse servante et quatre malandrins pour attirer de riches jeunes hommes. Elle les attirait avec sa servante et les quatre hommes se chargeaient de les tuer. Une fois morts, les têtes des hommes étaient gardées et embaumées pour être envoyées en Allemagne à des passionnés de phrénologie. Quant aux corps, ils étaient vendus pour être disséqués.

Les quatre hommes furent pendus et la fausse servante envoyée au bagne. On raconte que la princesse Jabirowska échappa mystérieusement à la pendaison. Selon les rumeurs, elle devint amie avec Monsieur, le frère du roi, et avec le chevalier de Lorraine, amant de Philippe d’Orléans. En tout cas, on n’entendit plus parler de la tueuse de la rue Courtalon.