Entre l’écrivaine George Sand (1804-1876) et le pianiste Frédéric Chopin (1810-1849), l’amour était-il réciproque? De leur liaison, entamée en 1838, il ne reste que dix-sept lettres dans lesquelles on ne trouve pas un seul mot d’amour.
George Sand et Frédéric Chopin, une belle histoire d'amour ? C'est généralement ce que l'on dit. La vérité est pourtant un peu plus mélancolique.
Lorsque George Sand rencontre Frédéric Chopin en 1836, elle a 32 ans et est déjà une écrivaine reconnue. Ils se rencontrent par l'intermédiaire de Liszt. Elle sort à peine d'une relation passionnelle et torride avec Alfred de Musset. Chopin, lui, a 25 ans, et est tout aussi connu, puisqu'il a déjà composé certaines de ses oeuvres les plus célèbres. Il est également fiancé à une amie d'enfance, Marie Wodzińska.
Quand Chopin rencontre George Sand pour la première fois, il n'est pas du tout emballé, comme il le confie à un ami qui le raccompagne chez lui à la fin de la soirée :
Quelle femme antipathique, cette Sand ! Est-ce vraiment une femme ? Je suis tout prêt à en douter !
Les sentiments de Chopin à l'égard de Sand ne placent pas la relation sous les meilleurs auspices. Mais George Sand est beaucoup plus enthousiaste quant au jeune homme. Son amie Marie d'Agoult essaie pourtant de la dissuader de pousser la relation plus avant. Mais comme les parents de Marie Wodzińska ont rompu les fiançailles avec Chopin, la voie semble libre pour George Sand.
Aucun mot d'amour
On ne sait pas grand-chose des sentiments de Frédéric Chopin à son égard car il ne reste de leur correspondance que dix-sept lettres, elle a détruit le reste. Mais dans ces quelques lettres, on ne trouve pas un mot d'amour. En amitié pourtant, Chopin sait dire "Je t'aime". Il le dit à ses amis au début et à la fin de chaque lettre, il peut l'écrire deux ou trois fois sans problème et ajouter "Aime-moi" à la fin. Mais rien de tout ça ne transparaît dans ses lettres à George Sand.
Quand les deux artistes sont à Majorque, ils logent dans un ancien couvent et dorment dans des cellules séparées. Lui commence à être vraiment malade et dans ses lettres, elle ne l'appelle jamais par un doux surnom et préfère employer des termes plus maternels comme "Mon petit" ou "Le Petit".
Dans les années qui suivent, elle publie un livre intitulé "Lucrezia Floriani" dans lequel elle dresse le portrait d'un musicien, qui à l'évidence, est Chopin. Dans ce livre, le musicien est décrit comme aigre jusqu'à la méchanceté, austère, chagrin, tracassier, ennuyeux... C'est un peu la façon dont elle envisage l'homme avec lequel elle vit. La rupture qui s'annonce entre les deux amants est-elle vraiment une rupture ?
Une rupture venimeuse
George Sand, qui durant sept ans ne s'était pas exprimée sur l'intimité de leur liaison, va commencer à lâcher le morceau. En 1846, elle dit notamment :
Il y a sept ans que je vis comme une vierge avec lui et tous les autres.
Le trait est venimeux. Que vient faire la mention de "tous les autres" dans cette affaire ? Quoi qu'il en soit, en juillet 1849, quand Chopin commence une longue agonie, George Sand se refuse à aller le voir. Les proches de Chopin la supplient mais elle ne veut rien entendre et s'obstine dans sa décision. Le 17 octobre, Frédéric Chopin meurt entouré de tous ses amis. George Sand est absente.
Se sont-ils jamais vraiment aimés ? La question est en suspens.
Frédéric Chopin était-il gay ?
En 2020, un journaliste suisse, Moritz Weber, publie un article après avoir passé au peigne fin les correspondances de Frédéric Chopin. Il affirme avoir découvert "un flot de déclarations d'amour adressées à des hommes, frôlant parfois l'érotisme". Le journaliste revient notamment sur plusieurs de ses correspondances, dans lesquelles Chopin décrit les rumeurs de ses aventures avec des femmes comme "un voile pour sentiments cachés". C'est en tout cas ce qu'il écrit dans l'une de ses vingt-deux lettres à son "ami", le compositeur Tytus Woyciechowski.
Vous n'aimez pas être embrassé ? S'il vous plaît, laissez-moi le faire aujourd'hui. Vous devez payer pour le rêve salace que j'ai fait à votre égard la nuit dernière.
Ces lettres commencent très souvent par "Ma chère vie" et se concluent par "Donnez-moi un baiser, mon très cher amant". Selon le Guardian, les biographes et archivistes auraient délibérément fermé les yeux sur les lettres homoérotiques du compositeur pendant des siècles, pour rendre l'icône nationale polonaise conforme à des normes conservatrices.
Les lettres d'amour enflammées du pianiste à des hommes sortent des tiroirs et laissent penser que son histoire avec George Sand aurait pu n'être qu'une façade. L'histoire fait couler beaucoup d'encre, notamment en Pologne, où le gouvernement est résolument anti-gay. Histoire à suivre...