Cela fait maintenant un mois que les 72 millions d’habitants de l’État de Tamil Nadu, au Sud de l’Inde, sont gouvernés par… une photo.
Depuis le 22 septembre exactement, quand la ministre en chef, Jayaram Ja-ya-la-li-tha, a été hospitalisée. Elle a 68 ans, c’est la chef du gouvernement de cet État du Sud, riche, et totalement sous son emprise. Le quotidien Hindu publie très sérieusement des photos du gouvernement : un grand cadre est posé sur sa chaise, les ministres sont assis tout autour et celui des finances explique, plein de sagesse : "Les photos peuvent parler mille mots, c’est comme si elle était parmi nous".
Mais dans l'opposition, la manœuvre passe mal parce que depuis un mois, personne n’a la moindre idée de comment va réellement la Première ministre qui est sous assistance respiratoire, quand même… Son parti affirme qu’elle est lucide, et ceux qui en doutent sont arrêtés. La police a interpellé cinquante personnes déjà pour diffusion de rumeurs malveillantes sur Internet.
Pour l’instant, le ministre des finances, qui a récupéré ses dossiers, se promène partout avec cette photo sur le mode "elle est là, elle décide". Parce que si elle était empêchée, il faudrait de nouvelles élections, et son parti risquerait de s’effondrer.
Car il faut comprendre qui est Ja-ya-la-li-tha. Ancienne actrice, à l'affiche de 100 films, elle s’est lancée en politique dans les années 1980. Et depuis, elle domine littéralement la scène, par son charisme, ses extravagances. Quatre fois, elle a été nommée Premier ministre, les affaires de corruption, nombreuses, ne l'ont pas terrassée, et sa politique est un mélange de populisme et de culte de la personnalité.
Pour vous donner une idée, ses fans ont l'habitude, pour lui rendre hommage, de marcher sur des charbons ardents. Les ministres se prosternent à ses pieds et la police craint des débordements si on découvrait qu’elle est proche de la mort. Une femme est morte d'ailleurs lundi dans une bousculade quand des milliers de personnes sont allées au temple prier pour sa santé. Donc sans elle, son parti ne pèserait plus si lourd… D’où cette photo magique brandie par les ministres. Lesquels vont tenter, le plus longtemps possible, de prolonger le secret.