François Hollande renonce finalement à tenir les déficits publics dans les limites imposées par l'UE, cédant à la tentation des cadeaux électoraux.
Axel De Tarlé, expert économique
François Hollande recule sur son plan d'économies, les nouvelles dépenses ne seront pas compensées. Le fameux plan de 50 milliards d'économies est-il caduc ?
Oui alors ce plan était déjà à la base caduc : savez-vous comment il était calculé ? Par rapport à une courbe imaginaire de dépenses "si on ne faisait rien." Exactement comme si vous vous déclareriez au régime avec le postulat "si je ne fais rien, l'année prochaine je n'aurais pris que 5 kilos... mais comme je vais faire attention je ne vais pas prendre ces 5 kilos imaginaires !"
Comme dirait l'autre, "j'ai moins de découverts que si j'en avais plus..."
Exactement. Bon, c'est mieux que rien de ne pas partir totalement en vrille, mais un an avant la présidentielle, force est de constater que François Hollande craque et lâche les vannes des dépenses. De nombreuses promesses aux intermittents, retraités, fonctionnaires etc. Tous ces cadeaux font grimper la facture, mais c'est très habile car techniquement ces dépenses seront répercutées plus tard. Par exemple la hausse du point d'indice des fonctionnaires ne coûtera que 600 millions cette année mais 2,4 milliards en 2017. Autre exemple : les baisses de charges pour les entreprises sont effectives dès cette année mais seront calculées en 2017.
Bercy le reconnait pudiquement : les dépenses de 2017 ne seront compensées que "pour partie."
C'est là qu'on s'inquiète pour les déficits...
Le gouvernement répond à cette inquiétude en assurant qu'en 2017 il y aura cette fameuse "croissance" miraculeuse. Sauf que la commission de l'Union européenne n'y croit absolument pas. François Hollande lors de la campagne de 2013 assurait "nous atteindrons les 3% de déficit", on y sera déjà pas en 2017... une année où il ciblait sur 0% de déficit ! C'est inquiétant car ces déficits sont adossés à un très fort taux d'imposition. Nous sommes même le champion des prélèvements obligatoires. Tout cela montre que nous avons un très fort problème de dépenses publiques, que tout le monde trouve trop élevées mais que personne n'arrive à juguler. C'est peut-être du au fait que tous les cinq ans on élit "un père Noël" qui distribuent des cadeaux, sans fondement économique dans un pur esprit politique.
Antonin André, expert politique
Le 49-3 sur le projet de Loi Travail ouvre la possibilité d'une motion de censure. Alors pas de la part de la Droite qui a déclaré "on y va pas", mais de la part de la gauche du PS, des frondeurs ! Cette Gauche qui veut la peau du Premier ministre de leur propre camps. Il n'y a plus de majorité dans ce pays ?
Une image frappante hier, dans l'Assemblée après l'annonce du 49-3 par le Premier ministre, les députés de Droite se lèvent et quittent la séance, laissant la Gauche s'écharper en public sous les yeux des téléspectateurs. "Que Valls se débrouille avec son champ de ruines" lance Christian Jacob, le chef du groupe Les Républicains. Que fait le Premier ministre ? Il cogne sa Gauche, en demandant aux députés qui ne sont pas d'accord de présenter une motion de censure. Dans les couloirs qui appellent à la démission de Valls ? Les députés de Gauche. Ce serait drôle si ce n'était que la démonstration que les systèmes institutionnels sont en train d'exploser et que le débat démocratique est dévoyé.
Quelle en est la raison ? Les primaires ! Ce système qui était censé rendre la parole au peuple est de fait en train de pervertir la démocratie.
La scène que vous venez de décrire n'est pas non plus récurrente...
Sous la Vème Républiquela vie politique est dominée par l'élection présidentielle. La lecture "gaullienne" de cette République c'est : les partis proposent chacun UN projet collectif pour l'intérêt général, porté par UN candidat "naturel." Les chefs de partis (droite, centre et gauche) s'affrontent alors "projet contre projet." Les primaires ont perverti le débat en un affrontement mortifère et égotique. Le débat n'est plus idéologique, ils s'est fragmenté en une multitude d'affrontements de personnes, de la Gauche entre elle et de la Droite entre elle. Il y a autant de programmes que d'individus !
Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, Alain Juppé... ils ne s'adressent pas à l'électorat, ils parlent à leurs fans ! C'est la Star Ac' version politique : "pour Juppé tapez 1, pour Sarkozy tapez 2..." A Gauche qu'est-ce qui se joue depuis six mois avec les Valls, frondeurs, Montebourg, Hamon et consort ? Le temps de travail au niveau des branches ? Des entreprises ? On paye plus ou moins les heures supplémentaires ? Balivernes ! La question c'est de savoir qui sera aux élections présidentielles et qui portera les couleurs de la Gauche et qui empêchera François Hollande de se représenter.
La perversion suprême on l'a vu hier, lorsqu'une primaire se déroule en direct à l'Assemblée où les députés sont censés discuter dans l'intérêt général.
François Clauss, expert sportif
Le retour du foot ce soir : Portugal-Pays de Galles, en gros c'est Ronaldo contre Bale ?
Non c'est l'inverse. Désolé de vous contredire mais effectivement quand on a cette image des deux attaquants du Real Madrid face à face, c'est vendeur. Mais souvenez-vous des tirs au but du Portugal contre la Pologne, on a vu un Christiano Ronaldo qui vient de marquer son but remonter le moral d'un João Moutinho au bord des larmes, le persuadant qu'il a le destin de son pays entre les pieds et que Dieu va l'aider. Tout ça pour vous dire que pour une fois Ronaldo ne joue pas pour lui. Il est d'ailleurs assez médiocre sur le plan du jeu, mais il joue sur son pays !
Quant à Gareth Bale il aurait pu jouer pour la sélection anglais, cela aurait été facile d'avoir les lauriers. Non, il a préféré représenter un petit pays de 3 millions d'habitants à qui il redonne la fierté.
C'est donc le point commun entre ces deux équipes ?
Le pays entier dans les deux cas est derrière son équipe. Le Portugal a une fierté exacerbée du fait de jouer en France, où la communauté est la plus représentée parmi les immigrés (1,2 millions). Fierté galloise aussi qui ce soir chantera pour son sélectionneur devenu un héros national. On l'a retrouvé pendu dans son garage en 2011, il n'y a pas un match durant lequel les Gallois ne chantent pas pour lui. Ce n'est peut-être pas une affiche très clinquante Portugal-Pays de Galles, mais il va y avoir une intense émotion.