Bruno Jeudy nous livre son édito politique à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle.
Étrange fin de campagne avec ce match à quatre qui se dessine et plonge bon nombre de Français dans l’incertitude. On a l’impression que les électeurs sont paumés, qu’ils ont perdu leurs repères. Dimanche, on peut s’attendre à quoi vote par défaut ou vote d’adhésion ?
Dans cette étrange campagne avec ce finish à quatre candidats, il faut s’attendre à un vote tactique plutôt qu’un vote d’adhésion. Aucun candidat n’a réussi à s’imposer, à se détacher. On le voit dans les sondages et on pourrait avoir des surprises. Surtout, aucun des quatre premiers n’a donné le tempo avec un thème comme c’est le cas à chaque présidentielle. En 1995, ce fut la fracture sociale de Jacques Chirac, la sécurité en 2002, le travail en 2007 avec Nicolas Sarkozy ou encore la finance et les frontières en 2012.
Cette fois, on le voit bien les candidats n’y arrivent pas. Et les électeurs ne s’y retrouvent plus. Alors Marion on se dirige tout droit vers ce vote purement tactique. À gauche, les partisans de Benoît Hamon se résignent au vote utile qui prend deux formes : soit un vote par défaut pour Emmanuel Macron pour éviter d’avoir à choisir au second tour entre Marine Le Pen et François Fillon ; soit ils opteront pour un vote de gauche pour envoyer Jean-Luc Mélenchon au second tour. A droite, ce vote tactique prend des allures de vote de raison. Dans la dernière ligne droite, une partie des électeurs de l’opposition déçus par François Fillon pourraient préfèrer l’alternance à la poursuite d’un Hollandisme amélioré.
Si on vous suit, aucun candidat ne bénéficie d’un vote d’adhésion ?
Si, il y a un noyau dur qui adhère. Chez les Républicains, on a vu les troupes de François Fillon serrés les coudes au Trocadéro. Emmanuel Macron peut s’appuyer sur son mouvement En Marche ! qui a rempli les gradins de Bercy lundi de Pâques. Mais on voit bien que cet enthousiasme ne dépasse pas le cercle des militants. Au fond, le seul vote d’adhésion est chez Marine Le Pen, les électeurs frontistes ne se cachent plus comme en 2002. C’est un vote ras-le-bol, Paris contre la province, les exclus contre les inclus, les élites mondialisées contre les perdants de la mondialisation.
À l’arrivée, le prochain président de la République risque donc d’être mal élu ?
Non. Optiquement, le prochain président de la République sera bien élu surtout en cas de duel avec le Front national. Mais un rassemblement anti-Le Pen ne sera pas synonyme de majorité limpide pour le successeur de François Hollande. Le prochain président disposera d’une légitimé assez faible. Et peut être d’une absence de majorité à l’Assemblée nationale après les législatives de juin prochain.