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Tous les samedis et dimanches, Vanessa Zhâ et Marion Sauveur nous font découvrir quelques pépites du patrimoine français. Aujourd'hui, on franchit les frontières de l'Hexagone pour se rendre en Belgique, et faire connaissance avec les chefs d'œuvres de l'Art nouveau à Bruxelles, tout en dégustant quelques spécialités locales. 

Ce matin, on saute dans le Thalys, direction Bruxelles Vanessa, pour célébrer l’ouverture d’un lieu mythique.

L’hôtel Solvay, un chef d’œuvre classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, et conçu au début du 19e siècle par Victor Horta. Le grand architecte de l’Art nouveau a mis huit ans à le réaliser. Il a eu carte blanche, et même bourse blanche, un budget illimité pour en faire un véritable bijou, dans les moindres détails et les finissions.

Alexandre Wittamer, le propriétaire, nous fait rentrer dans la maison, qui n’est que détails. Voici à quoi ressemble par exemple l’escalier central : "Il y a une espèce de plante en bronze, qui en fait est un luminaire, et qui s'enracine littéralement dans du marbre. De ce luminaire part la rampe d'escalier, qui vient un peu comme une liane s'entourer autour. On a vraiment les trois matériaux (le marbre, le bronze et le bois), qui s'imbriquent parfaitement, avec trois corps de métiers qui ont du collaborer. Beaucoup pense qu'il est largement dans la cour des grands de l'Art nouveau européen, au même titre qu'un Gaudi."

Un génie à coté duquel on ne peut pas passer. Petite info pratique : les réservations se font obligatoirement en ligne.

On peut dire que Bruxelles est la capitale de l’Art nouveau ?

Oui, comme Vienne. Mais c’est vrai que Bruxelles abrite à elle seule le plus grand nombre d’édifices Art nouveau en Europe. Il y en a quatre ou cinq qui sont incontournables. Déjà, pas loin de l’hôtel Solvay, il y a le magasin Old England qui abrite le musée des instruments de musique. Vous ne pouvez pas le rater, il est tout en verre et métal noir. Dans l’hôtel Hannon, vous avez une très belle cage d’escalier à admirer. L’hôtel Tassel est lui considéré comme l’œuvre fondatrice de l’Art nouveau. Et puis, si vous avez envie de vous plonger dans l’atmosphère d’une demeure de l’époque, allez faire un tour au musée Horta : c’est l’ancienne maison-atelier qu’Horta s’était faite construire et où il vécut avec sa famille.

Bruxelles est aussi la capitale de la BD !

On peut même dire "la ville mère de la BD". La première étape, c’est d’aller au Centre belge de la bande dessinée, logé dans un bâtiment dessiné par notre Horta d’ailleurs. Et puis, si vous êtes de vrais afficionados, vous devez vous attaquer le Parcours BD : une soixantaine de murs peints. Tous les héros de BD sont là. Et il y a même des dessinateurs plus contemporains et engagés comme les crocodiles qui dénoncent le machisme et le sexisme par exemple, c’est la toute dernière fresque peinte en fin d’année. Bruxelles reste toujours très avant-gardiste au final ! Pour info, vous pouvez télécharger le plan du parcours.

Un hôtel à nous recommander Vanessa, si on peut revoyager dès lundi vers la Belgique ou attendre le déconfinement des frontières ?

La Maison Flagey, une maison d’hôtes style Art nouveau, dans le quartier des étangs d’Ixelles, avec vue sur les étangs et la place Flagey.

Quelles sont les spécialités qu’il faut avoir goûtées si on passe à Bruxelles ? 

L’incontournable : c’est la croquette aux crevettes grises, pêchées dans la Mer du Nord. C’est une boulette allongée, constituée d’une béchamel aux crevettes, et frite. Croustillant à l’extérieur et onctueux à l’intérieur. Comme ça, ça a l’air simple, mais c’est assez long à faire pour les réussir. 

Il faut réaliser une béchamel classique, mais avant de mélanger le lait au beurre et à la farine, vous allez faire infuser dans votre lait : vos carcasses de crevettes avec du vin blanc, du jus de citron, une carotte, un poireau, de la noix de muscade, un bouquet garni, comme si vous faisiez un bouillon. Ça va donner du goût à votre béchamel. Vous y ajoutez vos crevettes. Une fois prête : vous la laisser reposer une nuit au frais. Ce sera plus facile pour former vos boulettes allongées et les rouler dans la chapelure. La petite astuce, c’est là aussi de les laisser encore une fois reposer avant de les plonger dans le bain de friture pour qu’elles prennent une jolie couleur dorée et qu’elles n’éclatent pas à la cuisson. Elles se déguste avec du citron et du persil frisé frit et salé.  

Croquette aux crevettes grises

Ingrédients (pour 12 croquettes) : 

  • 500 g de crevettes grises décortiquées
  • 50 g de beurre
  • 50 g de farine
  • 30 cl de lait entier
  • 20 cl de vin blanc
  • 1 carotte
  • 1 poireau
  • 1 pincée de noix de muscade
  • 1 bouquet garni
  • 1 cuillère à soupe de jus de citron
  • 1 œuf
  • 50 g de crème liquide
  • Chapelure
  • Sel, poivre

 

Réalisation :  

1. Faire fondre le beurre et ajouter la farine, laisser cuire pendant quelques minutes. C’est votre roux. 

2. Dans une autre casserole, laisser mijoter le lait avec les carcasses de crevettes, les légumes coupés, le vin blanc, le jus de citron, la muscade, le poivre, le sel et le bouquet garni. Filtrer le lait. Et fouetter avec le roux. Ajoutez vos crevettes. Débarrasser dans un plat, filmer au contact et laisser au frigo pendant au moins une nuit.

3. Le lendemain, façonner les croquettes. Les passer dans la farine, le blanc d’œuf et la chapelure. Les remettre au frais au moins 30 minutes. 

4. Faire chauffer le bain de friture à 160 degrés minimum : les saisir 8 minutes (elles doivent être dorées). Servir avec des quartiers de citron et du persil frisé frit salé.

Où est-ce qu’on en déguste à Bruxelles ?  

Les meilleures sont à Saint-Gilles, c’est dans la banlieue. Chez Cédric Mosbeux. Il a remporté les deux derniers concours de la meilleure croquette aux crevettes de Bruxelles. Son restaurant s’appelle Fernand Obb Delicatessen et on y trouve tous les grands classiques de la cuisine populaire. Et notamment le pistolet haché pickles, un petit pain rond fourré d’un haché (porc et veau crus) avec des pickles. Vous pouvez déguster les croquettes à emporter ! 

Autre adresse : la poissonnerie Noordzee - Mer du Nord, pas très loin du Zinneke pis. A manger sur le pouce !  

On ne mange pas des frites avec ?  

On peut : chez Fernand Obb Delicatessen, c’est possible. C’est LA spécialité de la ville. Il faut absolument que vous preniez un "cornet" de frites si vous allez à Bruxelles. Il y a une véritable culture de la frite. On ne fait pas des frites avec n’importe quelle variété de pomme de terre et elles ne baignent pas dans n’importe quelle huile. J’ai demandé le mode d’emploi à Pascal Willaert, de la friterie Maison Antoine. C’est une institution depuis 1948 ! "Il faut prendre une pomme de terre ferme. Ici en Belgique, on cultive la Bintje. Une fois qu'on les a épluchées et coupées, on les plonge dans une graisse de bœuf, c'est ça qui donne le goût à la frite. Généralement on cuit entre 120 et 140 degrés le pochage. Après, on attend 20-25 minutes et après il y a la cuisson entre 160 et 180 degrés. Il faut qu'elle soit dorée à l'extérieur y avoir de la chair à l'intérieur." 

En Belgique on ne mange pas de frites sans sauce. La mayonnaise est la reine, mais à la Maison Antoine, il y a pas moins de 32 sortes de sauces ! La tartare maison, qui est leur spécialité, est délicieuse.  

Et du côté sucré ?  

La gaufre de Bruxelles. A ne pas la confondre avec la gaufre de Liège. La pâte de la bruxelloise est liquide (comme de la pâte à crêpe), avec de la levure chimique, tandis que la liégeoise contient de la levure de boulanger. Elle a besoin d’un temps de repos et elle est malléable, comme une pâte à brioche. La pâte de la liégeoise n’est pas sucrée, mais on va ajouter du sucre en grain, qui va caraméliser à la cuisson ! Et c’est ce qui va donner un joli côté brillant à la gaufre. 

Gaufre de Bruxelles 

Ingrédients :

1 kg de farine

350 g de beurre fondu

500 g de sucre

1 pincée de sel

10 g de levure chimique

6 œufs 

1 L de lait 

500 g d'eau

 

Réalisation : 

1. Mélanger le sucre, le beurre fondu et le sel. Ajouter les œufs et mélanger.

2. Ajouter la farine et la levure et mélanger. 

3. Ajouter le lait et l'eau et mélanger.

4. Cuire les gaufres.  

 

Gaufres de Liège

Ingrédients : 

  • 1 kg de farine
  • 400 g de beurre
  • 400 g de lait 
  • 4 œufs
  • 45 g de levure de boulanger
  • 300 g de sucre en grains

 

Réalisation :

1. Mélanger le lait et la levure. Ajouter le sucre et les œufs. Ajouter la farine. Ajouter le beurre. 

2. Finir en ajoutant le sucre en grains. 

3. Former des boules de pâte et laisser reposer 30 min.

4. Cuire les gaufres.

Et il y a un biscuit à déguster absolument, c’est le spéculoos. Ce biscuit croustillant, à la couleur brunes et au bon goût d’épices, qu’on grignote presque sans fin et qui peut faire une vingtaine de centimètres pour les plus belles pièces ! Il a été créé à l’arrivée des épices en Europe. J’ai demandé à Alexandre Helson, 7e génération de la Maison Dandoy (l’adresse de référence en la matière), pourquoi est-ce que ces biscuits s’appellent spéculoos. Voici sa réponse : "Le mot latin spéculums veut dire miroir. L'effet miroir vient de quand on le produit, on tape la pâte de biscuits dans des fameux moules en bois qui vont représenter toute une série de figurines issues du folklore bruxellois en général. Quand on extrait la pâte du moule en bois on a un effet miroir." 

La pâte est aplatie sur toute la surface du moule avec beaucoup de force. Et il faut ensuite taper le moule très fort sur le plan de travail pour démouler le spéculoos cru. Et surtout, il ne faut pas laisser des bouts de pâte dans le moule en bois. A la Maison Dandoy, on réalise toujours ces biscuits de manière artisanale, avec de la cannelle et des clous de girofle. Et chacun à sa recette.  

Speculoos

Ingrédients : 

  • 1 kg de farine
  • 300 g de beurre
  • 600 g de cassonade candi foncée
  • 100 g d'eau
  • 1 pincée de sel
  • 1 cuillère à soupe de bicarbonate de soude
  • 1 cuillère à café de cannelle
  • 1 pincée de girofle 

 

Réalisation : 

1. Mélanger la cassonade, le beurre, le sel et les épices jusqu’à obtention d’une crème.

2. Ajouter l'eau petit à petit tout en mélangeant. Il faut que la pâte soit bien délayée. 

3. Ajouter la farine et la levure. Mélanger progressivement : mais il ne faut pas trop la pétrir longtemps pour éviter qu'elle ne devienne trop élastique. 

4. Etaler la pâte au rouleau, la découper avec des emporte-pièces. 

5. Enfourner la plaque au four chaud, à 180 degrés. Laissez cuire environ 10 minutes. 

Mais Marion, la Belgique c’est aussi le pays du chocolat.  

Oui, et aujourd’hui, il n’y a plus vraiment de chocolat belge comme nos grands-parents ont pu connaître : un chocolat reconnu pour son pourcentage de cacao très élevé par rapport aux autres chocolats fabriqués dans le monde. Il s’avère qu’il y a des chocolatiers de talent à Bruxelles. Si vous êtes amateurs de chocolat noir, il faut absolument que vous goûtiez les pralines de Laurent Gerbaud. Un équilibriste du goût. Il propose des pralines, c’est comme ça qu’on appelle les bonbons de chocolat en Belgique, avec très peu de sucre. Il n’utilise pas d’alcool, ni de conservateur dans ses ganaches. 

S’il y a un chocolat que je vous conseille, c’est le "Gare aux noisettes" : une petite sphère de chocolat qui renferme un praliné liquide noisettes-noix de cajoux. Craquant du chocolat et la douceur du praliné. Il réalise aussi des fruits enrobés, juste incroyables.  

Je ne pouvais pas vous parler de chocolat sans vous parler de Pierre Marcolini, que l’on connaît bien en France. Il réalise ses chocolats à partir des fèves qu’il sélectionne. Il vient d’ouvrir une biscuiterie à Bruxelles. Et une nouvelle boutique à la Grande Place, où vous retrouverez des spéculoos notamment, ses tablettes grands crus ou encore ses Petits bonheurs (pralinés noisette).