Tous les samedis dans l'émission Mediapolis, Claire Hazan revient sur l'actualité et la politique par le prisme des réseaux sociaux.
Claire Hazan, vous avez suivi cette semaine via les réseaux sociaux la toute première édition d’une cérémonie un peu particulière qui avait lieu aux Etats-Unis : les « Fake News Awards ».
Les « fake news awards, ce sont un peu les Oscars de l’intox : ils récompensent les plus beaux bobards de 2017.
Leur particularité : ils ont été initiés par… le Président américain Donald Trump, pour récompenser, je cite, « les medias les plus corrompus et les plus malhonnêtes ».
C’est lui qui a eu l’idée, c’est lui le jury et c’est lui qui remet les prix. Des prix virtuels, puisque ça s’est passé cette semaine sur son compte Twitter. Une annonce, et un lien vers le site officiel du Parti républicain où sont publiés les résultats. Et les grands gagnants donc :
CNN bien sûr, 4 fois lauréat, le Washington Post ou encore le magazine Newsweek. Mais le le n°1, c’est Paul Krugman, prix Nobel d’économie pour un éditorial dans le NY Times. Il y affirmait que l’économie américaine ne se remettrait jamais de la présidence de Trump. « Fake news », selon le président américain.
Oui et on peut dire que cette cérémonie vient couronner une année entière passée à vilipender et dénigrer les médias….
Oui et cette petite sauterie aurait pu rester une simple provocation de plus sur son compte Twitter… sauf que… sauf que… les talkshows américains se sont pris au jeu. Comme dans une vraie compétition, ils ont mené campagne dans la vraie vie pour avoir l’honneur d’être élu « media le plus malhonnête » par leur président. Ecoutez Stephen Colbert, animateur du Late Show
« Je suis très excité par cette cérémonie des fake news. Parce que rien ne vous donne plus de crédibilité que d’être traité de menteur par Donald Trump. Et moi, je n’ai pas l’intention d’être écarté »
Stephen Colbert s’est offert un panneau d’affichage géant en plein Times Square pour vanter les mérites de sa candidature. Trevor Noah, animateur du Daily show, s’est payé une pleine page de pub dans le NY Times.
La réalité – celle de Trump- qui ressemble à une parodie… et la parodie qui s’infiltre dans la vie réelle… il y a de quoi être un peu déboussolé quand même non ?
Et ceux qui n’ont pas perdu le nord dans cette affaire, c’est Reporters sans frontières. L’organisation qui défend la liberté de la presse a profité de ces awards pour lancer sa propre campagne sur les réseaux sociaux. Le thème c’est « Bravo Donald ! » et on y voit Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping, et une poignée d’autres « grands démocrates » féliciter Trump pour ses efforts contre la presse.
Mais ce que démontre avant tout cette histoire, c’est la confusion extrême autour du mot fake news, devenu un mot fourre-tout… et par la même occasion un instrument de manipulation politique. Les fake news n’ont plus rien avoir avec les faits, vérifiables.
Les fake news maintenant, c’est les autres, ceux qu’on a envie de discréditer ou de contredire. Et pas qu’aux Etats-Unis. En France le terme a déjà été utilisé plusieurs fois dans la rhétorique du FN contre les médias. En Russie, le Ministère des Affaires étrangères s’amuse sur son site web à coller des tampons « fake news » sur les articles déplaisants des médias occidentaux.
Alors je ne vois plus qu’une solution : il faut carrément arrêter d’utiliser ce terme… ou assumer ce qu’il est devenu : une belle insulte contemporaine.