Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.
Un nouveau front vient de s’ouvrir dans la guerre civile qui déchire le Yémen depuis cinq ans. Cette fois, c’est au sein même de la coalition soutenue par l’Arabie Saoudite que les divergences ont dégénéré en affrontements avec des combats pour le contrôle de Sanna, la capitale. Ils ont opposé ce week-end l’armée gouvernementale à ses milices supplétives.
Il faut dire que le Yémen est un véritable panier de crabes et pas seulement depuis cinq ans, mais depuis les années 70. À l’époque, il y avait deux Yémen. Une monarchie conservatrice au nord et une république pro-soviétique au sud, elles se sont fait la guerre pendant 20 ans avant de s’unifier en 1990 dans le pays que l’on connait aujourd’hui. Pour autant, le Sud a toujours gardé des ambitions séparatistes et n’avait accepté de les mettre en sourdine que pour faire front (au côté des troupes gouvernementales) à une insurrection lancée en 2004 par un troisième acteur important, les Houtis. Ce sont des tribus chiites du nord-ouest qui ont réussi à chasser le président Hadi du pouvoir en janvier 2015. Comme les tribus Houtis bénéficiaient du soutien de l’Iran, l’Arabie Saoudite a évidemment monté une coalition militaire pour remettre le gouvernement yéménite aux commandes. Les séparatistes du sud Yémen (qui sont sunnites, tout comme les forces présidentielles issues du Nord) ont naturellement rejoint cette coalition anti-chiite.
Pourquoi se retournent-ils contre le président Hadi alors que la guerre est loin d’être terminée ?
C’est ça qui est intéressant et pour comprendre, il faut un peu rentrer dans les détails de la coalition saoudienne. Les Saoudiens ont donc pris à leur charge l’encadrement et le soutien à l’armée gouvernementale yéménite du président Hadi. Mais l’autre pilier de la coalition ce sont les Émirats Arabes Unis dont on parle moins car c’est un pays bien plus petit. Or, ce sont pourtant les troupes d’Abu Dhabi qui ont servi de fer de lance dans toutes les batailles les plus difficiles. Elles ont reconquis les ports de la côte sud, jusqu’à Aden face au détroit stratégique de Bab el-Mandeb. Tout cela avec l’aide des milices séparatistes qu’elles ont équipées et entrainées, les transformant en unités beaucoup plus compétentes que celles de l’armée yéménite. Ces milices sont même devenues suffisamment autonomes pour que les Émirats Arabes Unis décident à la mi-juillet de se retirer du Yémen en leur déléguant la gestion de ces ports, qui sont pour Abu Dhabi d’une importance vitale. En fait, les Émirats ont réalisé leurs buts de guerre en sécurisant les territoires yéménites qui bordent leur frontière, en se garantissant un accès sûr à la Mer Rouge et au canal de Suez et ils n’ont donc plus aucune raison de rester enlisés au nord du Yémen dans une guerre qui provoque un terrible désastre humanitaire et avec des alliés Saoudiens soumis à très forte pression internationale pour mettre un terme à ce conflit.
Des pourparlers sont d’ailleurs déjà engagés à Stockholm en Suède, sous les auspices des Nations Unies ?
Effectivement ! Ce serait donc cette conjonction entre un retrait de des troupes émiraties du Yémen et la perspective de négociations de paix qui aura poussé les séparatistes sudistes à cette démonstration de force, pour rappeler au gouvernement yéménite comme à l’Arabie saoudite (qui le parraine) qu’on ne peut plus les traiter en simples supplétifs.