Deux étoiles, deux équipes de France, deux présidents. Vingt ans après, Emmanuel Macron a connu la même ivresse victorieuse que celle de Jacques Chirac, en 1998. Mais les temps ont changé, et l'actuel chef de l'État n'a pas célébré le sacre des Bleus de la même façon que son prédécesseur. Pour Europe 1, Jannick Halimi, rédactrice en chef adjointe du service politique du Parisien, et Bruno Dive, éditorialiste à Sud Ouest, analysent les deux styles.
Revoir les bases. "En voyant que les Français allaient arriver en finale, le président Macron a certainement beaucoup étudié ce qu'avait fait son lointain prédécesseur. Le danger pour lui, c'était d'en faire trop", prévient Bruno Dive. "Déjà, il fallait bien connaître les joueurs, contrairement à ce qu'avait fait Jacques Chirac", glisse-t-il, évoquant avec malice la séquence - devenue culte - du chef de l'État criant avec difficulté les patronymes des Bleus de 98 dans les tribunes, au soir de la finale.
Souvenez-vous de Jacques Chirac, en finale de la Coupe du monde 1998 :
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Profiter de l'élan de la jeunesse. Autre impératif pour Emmanuel Macron : donner le moins d'arguments possibles à ceux qui l'accuseraient de récupération politique. "C'est subtil. Dimanche soir, on a vu qu'il avait été entraîné dans la ferveur par les joueurs. Emmanuel Macron était tout de même dans une situation très différente de celle de Jacques Chirac en 1998", constate l'éditorialiste de Sud Ouest. À commencer par l'âge : Emmanuel Macron a 40 ans, tandis que Jacques Chirac en avait 66. "La jeunesse, ça compte pour manifester un enthousiasme. Ça passe mieux à 40 ans", soutient-il. Dans les vestiaires des Bleus, on a même vu Emmanuel Macron "daber" avec les joueurs. "C'est le symbole d'une équipe jeune qui entraîne son président jeune. Elle casse les codes, comme Macron a tenté de casser les codes politiques", décrypte Jannick Halimi.
La France républicaine. Enfin, le contexte politique et sociétal n'a rien à voir entre 1998 et 2018. "Jacques Chirac était en cohabitation. À l'époque, il y avait un match dans le match entre Chirac et Jospin (alors Premier ministre de gauche, ndlr). Emmanuel Macron, lui, n'a pas eu ce problème", observe Bruno Dive. Jannick Halimi s'est plongée dans les discours d'après-victoire de Jacques Chirac en 1998. L'ancien président y saluait "une France tricolore et multicolore". "Cette année, tout le monde – d'Emmanuel Macron à Mbappé, Pogba, en passant par Deschamps – saluent la France républicaine. Une France fondée, fusionnée dans un creuset républicain. Plus personne ne fait référence aux pays d'origine de leurs parents, qui pouvaient être le Maghreb ou l'Afrique noire. Aujourd'hui, Mbappé donne un coup de chapeau à Bondy, là où il a grandi. Pogba fait pareil avec Roissy-en-Brie", note la spécialiste politique du Parisien.
Des bisous. Seul point commun entre les deux hommes : la manifestation de l'affection. On se souvient du baiser donné par Jacques Chirac sur le crâne nu de Fabien Barthez. Dimanche soir, sur la pelouse du stade Loujniki de Moscou, Emmanuel Macron a embrassé le front du buteur et prodige de 19 ans, Kylian Mbappé.