Après l’euphorie des dernières 48 heures, les fans des Bleus se sont réveillés un peu amers mardi. Et pour cause : le retour en France des champions du monde n’a pas été à la hauteur des énormes attentes des supporters. Attendus par une foule immense depuis plusieurs heures, les héros du ballon rond ont descendu les Champs-Élysées en douze minutes chrono. Derrière, ils ont passé la soirée à l’Élysée alors que les fans les attendaient devant l’hôtel Crillon. Résultat : des supporters frustrés et beaucoup de questions.
Champs-Élysées : un sprint à cause du retard ?
Alors que tout le monde se remémore la communion extraordinaire des joueurs et du public en 1998, le passage des Bleus sur les Champs-Élysées, lundi, devait être un grand moment de célébration, le pinacle de ces deux jours de folie. Plus de 300.000 personnes s’étaient d’ailleurs massées le long des barrières entre la place de l’Étoile et le rond-point des Champs-Élysées, selon la préfecture de police de Paris. Nous étions nous-mêmes présents sur les Champs-Élysées, et comme la plupart des gens, nous sommes arrivés très tôt, avant 15h.
Résultat, tout le monde a attendu très longtemps pour une récompense, certes unique, mais surtout très brève : 4h30 en plein soleil pour douze petites minutes sur les Champs-Élysées (plutôt 30 secondes même, le temps d’apercevoir le bus à l’horizon, de scruter les joueurs puis de les voir repartir au loin). Une descente express qui a grandement déçu les supporters des Bleus. Sur Internet, les messages de frustration et de colère pullulent.
Les commentaires sous la publication Instagram de @equipedefrance après le passage sur les Champs-Elysées ⭐️⭐️ pic.twitter.com/NbA8Zmqbkj
— Julien Ricotta (@julienricotta) 16 juillet 2018
Mais pourquoi le bus des Bleus allait-il si vite ? Trois explications ont émergé à la suite de la parade.
- Le contexte sécuritaire
La première a trait à la sécurité et englobe autant le risque terroriste que les éventuels mouvements de foule. Autrement dit, les Bleus seraient allés vite pour éviter que le public surexcité devienne incontrôlable. Une inquiétude compréhensible après les débordements qui ont émaillé les célébrations de la victoire dimanche soir, sur ces mêmes Champs-Élysées. Près de nous, dans la chaleur étouffante, certains gendarmes ne cachaient d’ailleurs pas leur crainte. "Ça va gazer à un moment, c’est sûr", a prévenu l’un d’entre eux en s’adressant aux fans, laissant présager l’utilisation des gaz lacrymogènes.
L’argument sécuritaire a également été avancé par Olivier Giroud. "C’est passé vite quand même. Je pense que c’était pour des raisons de sécurité. On ne pouvait peut-être pas faire comme il y a 20 ans quand les gens tapaient des mains sur le bus", a supposé l’attaquant des Bleus au micro de BFMTV, mardi.
Pourtant, le dispositif de sécurité ne peut expliquer à lui seul le passage express des Bleus. Alors que nous pensions être fouillés en arrivant sur les Champs-Élysées, comme l’indiquaient plusieurs médias en amont, nous n’avons jamais été contrôlés par les forces de l’ordre. La présence de fumigènes et de pétards durant la parade confirme l’absence de filtrage. En réalité, les gendarmes mobilisés l’étaient surtout pour assurer la sécurité du bus des Bleus.
- Le retard
Seconde explication possible au passage éclair des Bleus sur la plus belle avenue du monde : le retard accumulé sur le programme. Initialement, l’équipe de France devait défiler aux alentours de 17h sur les Champs-Élysées. Problème, l’avion en provenance de Moscou a atterri avec une heure de retard, peu avant… 17h. Puis les Bleus se sont attardés au moment de poser le pied sur le sol français et n’ont quitté Roissy qu’à 18h. A cause des voitures massées sur le trajet pour apercevoir les joueurs, le car n’a atteint la place de l’Étoile à 19h. Le temps de grimper dans le bus à impériale et la (courte) parade a commencé à 19h15, avec deux heures de retard.
Or, le planning des champions du monde était serré puisqu’ils étaient attendus à l’Élysée derrière pour la réception organisée par Emmanuel Macron. Certains internautes avancent donc l’hypothèse d’un rattrapage : pressés par le temps, les joueurs ne se sont pas éternisés sur les Champs. La préfecture de police indique en effet avoir tenu compte du facteur temps dans l’organisation du défilé. "Compte-tenu du retard ainsi pris, des impératifs de sécurité, et de l’attente beaucoup plus longue que prévue imposée au public (271 prises en charge sanitaires, largement liées à la chaleur), le bus à impériale a commencé la descente à 19h15 et est entré avenue de Matignon à 19h27 soit une allure de 6,5 km/heure sur ce trajet de 1.300 mètres", a-t-elle précisé.
- La faute au président ?
L’excuse du retard a très vite été transformée en accusations contre… Emmanuel Macron. Les internautes se sont indignés que les Bleus n’aient passé qu’un petit quart d’heure avec leurs fans mais plusieurs heures aux côtés du président de la République.
Donc Macron c'est le président des riches ET du football ? Pendant que des milliers de fans, de pratiquants, de coachs, d'éducateurs, qui participent à la réussite du sport �� attendent des hrs sur les Champs-Elysées pr voir les Bleus, le président se les accapare à l'Elysée
— Pierre Rondeau (@Lasciencedufoot) 17 juillet 2018
L'Élysée se défend. Les critiques envers le chef de l’État ont même résonné jusqu’à l’Assemblée nationale. "Comment est-on capable de faire tourner au vinaigre ce qu’il y a de plus beau ? J’apprends que les gens sur les Champs-Élysées sont déçus parce qu’ils pensaient voir les joueurs mais le président Macron a voulu se les accaparer à l’Élysée. Résultat, nous avons une France et un peuple déçus", a dénoncé Jean Lassalle, le volubile député des Pyrénées-Atlantiques, dans l’hémicycle.
A l’Élysée, on se dédouane d’avoir voulu accaparer les Bleus et on explique ne pas être maître de leur emploi du temps. "En aucun cas nous ne les avons empêché de faire ce qu’ils souhaitaient faire", assure-t-on. Un proche du chef de l’État confie à Europe 1 que l’Élysée a simplement proposé aux joueurs et au staff une petite collation pour qu’ils puissent manger pas trop tard, d’où la prolongation jouée dans les jardins du palais présidentiel. Pour le reste, l’Élysée renvoie vers la Fédération française de football, très discrète depuis lundi.
Le Crillon, histoire d’un malentendu
La colère contre le "privilège" d’Emmanuel Macron ne s’est pas dissipée au cours de la soirée, loin de là. En effet, le bruit courait que les Bleus pourraient faire une apparition publique au balcon de l’hôtel Crillon, comme cela avait été le cas en 1998. Des milliers de fans les ont donc attendus, dans la foulée de la parade, sur la place de la Concorde, dans l’espoir de voir leur héros brandir la Coupe du monde. Deuxième désillusion : à 20h36, le compte Twitter de l’équipe de France annonce que les Bleus restent à l’Élysée et que rien n’est prévu au Crillon pour la suite de la soirée.
Les joueurs sont à l'Elysée et y restent pour la soirée. Aucun rendez-vous dans un grand hôtel ou palace parisien ne suivra ce rendez-vous. #FiersdetreBleus
— Equipe de France (@equipedefrance) 16 juillet 2018
Le balcon du Crillon n'était pas au programme. Mais alors, d’où est venue cette information ? Difficile de remonter à la source exacte mais Le Parisien s’en faisait notamment l’écho dans son édition de lundi matin : "Pour finir leur aventure en beauté, les Bleus se rendront ensuite à l’hôtel Crillon, sur la place de la Concorde, pour un dîner organisé par la Fédération française de football. Une apparition au balcon de l’hôtel et un moment de célébration avec le public sont aussi prévus". Au jeu des similitudes avec 1998, il semblait logique que les Bleus se présentent au balcon du palace.
Sauf que rien de tout cela ne semble avoir été réellement organisé par les Bleus. "Jamais, elle (la cérémonie au Crillon, ndlr) n'a été programmée de notre part", a défendu Philippe Tournon, le responsable presse des Bleus, auprès de franceinfo. Il a indiqué avoir eu des réunions "avec l'Élysée pour ce qui est de la réception à l'Élysée, avec la préfecture pour les différentes manifestations". Mais rien avec le Crillon au sujet d’une apparition publique des joueurs. Ce que semble confirmer le communiqué de la préfecture de police : "Le dispositif de sécurité mis en place ne comportait en aucun cas l’hypothèse d’une présentation des joueurs et du trophée au Crillon".
Des Bleus éparpillés. Les champions du monde avaient en fait simplement la possibilité de s’y retrouver après la fête à l’Élysée, un moment qui devait rester privé. Un repas les attendait, comme l’indiquait Europe 1 lundi, mais les Bleus ont finalement dîné à l’Élysée. Finalement, si Didier Deschamps et certains joueurs ont bien dormi dans le palace, notamment le capitaine Hugo Lloris, Raphaël Varane et Olivier Giroud, d’autres ont préféré rejoindre leurs familles et leurs amis, à l’instar de Benjamin Mendy. Laissant sur le carreau des fans très déçus.