Accusations de violences sexuelles : les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon en garde à vue à Paris

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avec AFP / Crédit photo : Dimitar DILKOFF / AFP , modifié à
Les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon, accusés par des actrices dont Judith Godrèche de violences sexuelles, sont convoqués lundi à la Brigade de protection des mineurs pour un placement en garde à vue. Ils constatent tous deux ces accusations.

Nette accélération dans une enquête-phare du #MeToo français : les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon, accusés depuis plusieurs mois par Judith Godrèche et d'autres femmes de violences sexuelles, sont lundi en garde à vue à Paris à la Brigade de protection des mineurs (BPM). Les deux hommes contestent ces accusations. Ils sont arrivés vers 09h30 à la Direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) à Paris accompagnés de leurs avocates, a constaté un journaliste de l'AFP.

Benoît Jacquot "va enfin pouvoir s'exprimer devant la justice", a réagi son conseil Me Julia Minkowski, qui a dénoncé une "critiquable" garde à vue alors qu'"une audition libre aurait dû être décidée". "Je déplore l'ensemble de ces dysfonctionnements de la justice, à la faveur d'une ultra-médiatisation qui emporte des dérives inadmissibles", a-t-elle ajouté.

 

Pour Me Marie Dosé, avocate de Jacques Doillon, "aucun des critères légaux ne saurait justifier cette mesure" de garde à vue, "36 ans" après les faits dénoncés par Judith Godrèche. Son client "aurait dû être entendu dans le cadre d'une audition libre au vu de l'ancienneté des faits, de leur prescription acquise depuis plus de deux décennies, et de l'inéluctable classement sans suite qui clôturera cette enquête", a-t-elle ajouté dans un communiqué. "Sa présomption d'innocence est bafouée à longueur de journée" dans cette "procédure largement contaminée par des considérations extra-judiciaires", notamment de "communication".

Selon des sources proches du dossier, ces gardes à vue pourraient permettre des confrontations entre chacun des réalisateurs et leurs accusatrices respectives, parmi lesquelles Judith Godrèche. "Je pleure (...). Je ne sais pas si j'ai la force mais je l'aurai. Je l'aurai, je l'aurai", a réagi l'actrice sur Instagram lundi matin, dans un message accompagné d'une photo sur laquelle elle figure avec Benoît Jacquot. L'avocate de Judith Godrèche, Me Laure Heinich, n'a pas souhaité commenter, rappelant le secret de l'enquête.

"Emprise"

Début février, sa cliente de 52 ans a déclenché une nouvelle tempête dans le #MeToo français en portant plainte contre Benoît Jacquot pour viols et Jacques Doillon pour agression sexuelle. L'enquête du parquet de Paris porte sur les infractions de viol sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, viol, violences par concubin, et agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans par personne ayant autorité. Benoît Jacquot et Judith Godrèche, née en mars 1972, ont débuté leur relation au printemps 1986. Ils ont vécu ouvertement ensemble, achetant même un appartement dans Paris, jusqu'à leur séparation en 1992. Pour l'actrice, c'était une relation d'"emprise" et de "perversion".

Deux autres actrices ont porté plainte contre Benoît Jacquot. Julia Roy, 42 ans de moins que lui et qui a joué dans quatre de ses films entre 2016 et 2021, a déposé plainte pour agression sexuelle dans "un contexte de violences et de contrainte morale qui a duré plusieurs années", d'après une source proche du dossier. L'actrice Isild le Besco a elle déposé plainte fin mai pour viols sur mineure de plus de 15 ans et viols, remontant aux années 1998-2007.

S'agissant de Jacques Doillon, Judith Godrèche l'accuse de l'avoir "pelotée" pendant une scène de sexe imprévue sur le tournage d'un film en 1989 alors qu'elle avait 15 ans et était en couple avec Benoît Jacquot. Isild Le Besco a aussi indiqué avoir dû subir les avances de Jacques Doillon pendant des séances de travail, tandis que l'actrice Anna Mouglalis a accusé le cinéaste de l'avoir embrassée de force à son domicile en 2011.

Cette nouvelle vague d'accusations dans le #MeToo français a mis en ébullition le cinéma français début 2024 et ébranlé la cérémonie des César ou le Festival de Cannes. Une commission d'enquête sur les violences sexuelles dans le cinéma, l'audiovisuel, le spectacle vivant, la mode et la publicité, avait débuté en mai mais a été stoppée net après la dissolution début juin de l'Assemblée nationale.

Vendredi, c'est Dominique Boutonnat, l'un des hommes les plus puissants de la profession en France, qui a quitté la tête du Centre national du cinéma (CNC) après sa condamnation pour agression sexuelle. Gérard Depardieu doit lui être jugé en octobre à Paris pour agressions sexuelles sur deux femmes, et risque un procès pour viol pour une troisième.