Trois jours après l'agression de Samara, 13 ans, devant son collège à Montpellier mardi, trois mineurs de 14 et 15 ans qui ont reconnu avoir frappé l'adolescente ont été mis en examen vendredi soir pour "tentative d'homicide volontaire" et placés sous contrôle judiciaire. Selon le parquet, qui n'évoque aucune dimension religieuse, ce déferlement de violence aurait son origine dans les "invectives" entre élèves sur les réseaux sociaux.
Ces trois mineurs, une jeune fille de 14 ans élève comme Samara au collège Arthur-Rimbaud, dans le quartier populaire de La Mosson-La Paillade, et deux garçons de 14 et 15 ans scolarisés dans d'autres établissements de la ville, avaient été interpellés et placés en garde à vue mercredi. Le procureur de la République de Montpellier, Fabrice Belargent, avait requis le placement en détention provisoire du plus âgé des trois agresseurs, "suspecté d'avoir porté les coups les plus violents" à Samara, qui est désormais sortie du coma. Cette demande a donc été rejetée par le juge des libertés et de la détention.
"Une forme de violence désinhibée chez nos adolescents"
Réagissant à ce drame ainsi qu'à l'agression d'un autre adolescent, Shamseddine, 15 ans, jeudi près de son collège, à Viry-Châtillon (Essonne), mais avant que le décès de ce jeune garçon soit connu, Emmanuel Macron a appelé vendredi à ce que l'école reste "un sanctuaire" face à "une forme de violence désinhibée chez nos adolescents". Le chef de l'Etat est cependant resté très prudent sur les causes et circonstances de ces deux agressions, à chaque fois hors de l'enceinte scolaire: "Je ne sais pas si l'école est liée à ça" et "je ne veux pas qu'on fasse des raccourcis peut-être excessifs".
Avant même ces mises en examen, la rectrice de l'académie de Montpellier, Sophie Béjean, "a décidé d'engager immédiatement les procédures disciplinaires" à l'encontre de ces trois élèves, a indiqué l'académie dans un communiqué vendredi après-midi, précisant que "les conseils disciplinaires seront réunis au plus vite". Entendue brièvement, Samara a "confirmé les violences dont elle a fait l'objet". Elle "n'a en revanche pas évoqué" des faits de "harcèlement sur une longue période", selon le procureur, dans un communiqué n'évoquant aucunement une dimension religieuse à cette agression.
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Devant les médias, la mère de l'adolescente avait elle affirmé que sa fille avait été "prise en grippe" par une camarade de collège depuis plus d'un an, et que cette dernière la traitait de "mécréante". Sans doute en raison de sa façon de se vêtir, a expliqué la mère, évoquant l'hypothèse d'un conflit autour de la pratique de la religion.
Une inspection en cours
"En l'état des investigations, il apparaît que cette agression s'inscrit dans le contexte d'un groupe d'adolescents qui avaient l'habitude de s'invectiver" sur les réseaux sociaux et d'y publier des photos, a expliqué Fabrice Belargent, selon qui "la tension entre les mis en cause et la victime résulterait pour partie de ces publications". L'aspect éventuellement religieux de ce dossier a par contre été évoqué côté politique, poussant la mère de Samara jeudi soir sur le plateau de TPMP sur C8 à dénoncer "l'instrumentalisation de la souffrance de (sa) fille par l'extrême droite".
Jeudi, le député socialiste de l'Essonne, Jérôme Guedj, secrétaire national à la laïcité de son parti, avait lui annoncé saisir la justice pour des "menaces de nature religieuse" qui auraient eu lieu avant l'agression de Samara. Dans son courrier au procureur de Montpellier, il soulignait que, selon la mère de la victime, "sa fille, de confession musulmane, était traitée de 'kouffar', ce qui veut dire 'mécréante' en arabe, et de 'kahba', ce qui signifie 'pute', et ce parce qu'elle 'se maquille' et 's'habille à l'européenne'".
"Une banalisation de l'extrême violence"
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, a pour sa part rejeté vendredi "toute instrumentalisation politique" et stigmatisation de l'islam, estimant que le véritable problème est "la banalisation de l'extrême violence et l'impact nocif des réseaux sociaux". En parallèle de l'enquête pénale, "un inspecteur et une inspectrice" chargés par la ministre de l'Education Nicole Belloubet de mener une enquête administrative, afin notamment de déterminer si des fautes ont été commises par le personnel de l'établissement, sont bien arrivés vendredi matin et ont "entamé leurs auditions" au collège Arthur-Rimbaud, a indiqué à l'AFP l'académie de Montpellier. Ils ont huit jours pour rendre leur rapport à la ministre.