Lors du procès d’Eugène Rwamucyo, Marie-Claire Mwitakuze, une survivante tutsi du génocide, a pris la parole pour relater ses souvenirs de l'accusé. Âgée de 32 ans à l'époque des massacres, elle travaillait à l’Office national de la population à Butare, où Eugène Rwamucyo, alors médecin-enseignant, utilisait un bureau.
Elle a décrit l’accusé comme un homme "terrifiant", affirmant qu’il inspirait la crainte à tous ceux qui l’entouraient. "Il m'inspirait la crainte", a-t-elle déclaré, précisant qu’il avait même menacé de tuer son supérieur à une occasion. Mwitakuze a également raconté avoir vu une liste de noms sur son ordinateur, qu'elle relie à un discours entendu plus tard à la radio, où elle a reconnu la voix de Rwamucyo incitant à traquer les Tutsi encore cachés.
La défense invoque une urgence sanitaire
En réponse aux accusations, la défense a appelé à la barre Jean Nepomuscene Gahururu, ancien secrétaire général de la Croix Rouge à Kigali en 1994. Il a dépeint une situation de chaos total, avec des cadavres s’amoncelant dans les rues de la capitale rwandaise. Selon lui, plus de 60.000 corps jonchaient les rues, rendant impossible toute identification individuelle et nécessitant un enfouissement rapide pour éviter une crise sanitaire due aux chiens errants qui déchiquetaient les cadavres.
Pour les avocats de Rwamucyo, c'est dans ce contexte qu'il aurait agi. Ils reconnaissent que l'accusé a participé à l’enfouissement de corps, mais soutiennent qu'il l’a fait en tant que médecin pour éviter une épidémie. "Il ne nie pas l'enfouissement des corps", a affirmé l’un des avocats, Maitre Philippe Meilhac, en soulignant que Rwamucyo était confronté à une urgence sanitaire dans une situation de catastrophe.
Accusations de participation active au génocide
Eugène Rwamucyo est accusé d'avoir soutenu les directives des autorités hutu, incitant la population à massacrer les Tutsi, notamment lors d’un discours prononcé le 14 mai 1994 à l'université de Butare. Des témoins affirment qu’il aurait participé à l’exécution de blessés et aidé à dissimuler les preuves du génocide en enterrant les corps dans des fosses communes.
Le procès s'inscrit dans une longue série de procédures judiciaires visant à rendre justice aux victimes du génocide rwandais de 1994, qui a fait plus de 800 000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi. Eugène Rwamucyo, âgé de 65 ans, est le huitième Rwandais jugé en France pour sa participation présumée à ces crimes, et encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
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Un procès aux enjeux cruciaux
Ce procès est emblématique de l'engagement de la France à poursuivre les criminels de guerre rwandais présents sur son territoire. Alors que les témoins se succèdent à la barre, les débats se concentrent non seulement sur les actes individuels de l’accusé, mais aussi sur le rôle des responsables dans l’organisation et l'exécution du génocide. Le jugement d'Eugène Rwamucyo pourrait avoir des répercussions importantes sur les futures procédures liées au génocide des Tutsi.