Près de quatre mois après la mort du jeune Thomas, et malgré cinq nouvelles mises en examen, les enquêteurs n'ont toujours pas identifié avec certitude l'auteur du coup de couteau qui a mortellement blessé le lycéen à la fin d'un bal de village à Crépol, dans la Drôme. "À ce stade, le parquet rappelle que la détermination certaine de l'identité de l'auteur du coup de couteau mortel (...) n'est pas acquise", écrit le procureur Laurent de Caigny dans un communiqué publié samedi pour dresser le bilan d'un nouveau coup de filet dans ce dossier qui a suscité beaucoup d'émoi.
Les gendarmes ont interpellé lundi onze personnes dans le cadre de l'enquête ouverte après la mort du lycéen de 16 ans, mortellement blessé dans la nuit du 18 au 19 novembre à la fin d'une fête dans ce petit village de la Drôme des collines. À l'issue de près de 96 heures de garde à vue, cinq ont été mis en examen pour "homicide volontaire et tentatives d'homicides volontaires en bande organisée" - les mêmes chefs que ceux retenus contre neuf jeunes en novembre, selon Laurent de Caigny.
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Deux d'entre eux ont été placés en détention provisoire et trois sous contrôle judiciaire. Les autres ont été remis en liberté. "L'information judiciaire se poursuit et doit exploiter tous les éléments recueillis jusqu'à ce jour", ajoute le procureur. Tous avaient été placés en garde à vue pour permettre aux enquêteurs de "confronter les propos des uns et des autres et savoir quelles sont les vraies responsabilités" dans le drame, avait expliqué mardi le patron de la gendarmerie nationale Christian Rodriguez sur les ondes de RTL.
Lors de ses dernières communications, le parquet de Valence avait indiqué que les circonstances exactes du drame restaient à élucider, aucun des neuf jeunes mis en examen en novembre ne reconnaissant avoir porté le coup mortel à l'adolescent. Les nouveaux interrogatoires ne semblent pas avoir apporté de réponse plus décisive. "On est dans le cadre d'une rixe malheureuse, dramatique évidemment pour la famille", a affirmé jeudi Me Guillaume Fort, avocat d'un jeune de 19 ans mis en examen cette semaine.
Son client "reconnaît pleinement avoir participé à cette soirée" et "avoir été proche de la rixe" mais "n'a pas commis de violences, encore moins des violences avec arme", a dit l'avocat en précisant qu'il avait été remis en liberté sous contrôle judiciaire.
Rugbyman
À ce stade, il est établi que le coup de couteau mortel a été porté à l'extérieur de la salle des fêtes du village de Crépol qui accueillait environ 400 personnes pour son "bal de l'hiver". La soirée avait dégénéré quand des jeunes non invités, certains jugés hostiles par des témoins, ont été mêlés à une altercation à l'intérieur de la salle, avant des affrontements à l'extérieur, selon les éléments précédemment communiqués par le procureur de Valence.
Les jeunes venus d'ailleurs ont porté des coups, certains au couteau, et neuf des 104 témoins entendus par les gendarmes ont rapporté des propos hostiles "aux blancs", selon le parquet. D'autres témoins "ont entendu des rugbymen vouloir 'taper du bougnoul'" après l'arrivée des jeunes non invités, avait affirmé à l'époque Me Romaric Chateau, l'avocat d'un des suspects, sur BFM.
Appelés sur place, les pompiers avaient pris en charge dix-sept personnes, y compris huit blessés dont quatre graves. Thomas, capitaine junior de l'équipe de rugby du RC de Romans Péage, était décédé sur la route de l'hôpital.
Rebondissant sur l'émotion soulevée par la mort de l'adolescent, l'extrême droite et la droite parlementaire avaient multiplié les prises de position sur le thème de l'insécurité et des dangers de l'immigration. L'ultradroite avait organisé de multiples actions sur le terrain pour dénoncer une "attaque" animée par du "racisme anti-blanc", jusqu'à mener une expédition punitive à Romans-sur-Isère, à proximité du quartier sensible de la Monnaie d'où sont originaires certains prévenus. Les juges d'instruction ont pourtant écarté tout mobile raciste à ce stade.
Les tensions avaient poussé les autorités à lancer des appels au calme. La justice a condamné plusieurs identitaires à de la prison ferme pour avoir participé à des manifestations interdites. La nouvelle série de mises en examen a suscité moins de remous politique.