Inceste : procès à huis clos d'un grand-père identifié grâce à une boîte aux lettres «Papillons»

© Loïc Venance/AFP
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avec AFP
Une déception pour les parties civiles, une "protection" des victimes pour la justice : le huis clos a été imposé vendredi au procès d'un grand-père jugé à Bourg-en-Bresse pour inceste, notamment sur sa petite-fille qui avait dénoncé les faits grâce à une boîte aux lettres "Papillons" dans son école.

Aujourd'hui âgée de 13 ans, la petite-fille de l'accusé, jugé pour viol et agressions sexuelles, s'est effondrée à l'annonce de la décision de la cour criminelle de l'Ain au début du procès. Tout comme ses deux cousines, l'une désormais majeure, elles aussi victimes dans ce dossier jugé vendredi et lundi.

"Ça fait deux ans qu'on se bat pour que tout soit dit, pour que rien ne soit caché aux gens", a déploré auprès de l'AFP le beau-père de la jeune fille qui, en juin 2022, avait brisé le silence. "C'est une première victoire pour l'accusé", a-t-il amèrement ajouté.

À l'ouverture de l'audience, les avocates des parties civiles ont pourtant plaidé pour la publicité des débats, un "besoin" pour les jeunes filles de "porter leur parole", selon Me Séverine Debourg, avocate de la famille des deux cousines.

Mais face aux réticences du ministère public et de la défense, s'inquiétant du récent emballement médiatique autour de l'affaire et craignant une "deuxième audience en dehors de cette salle", selon Me Marie Audineau, avocate de l'accusé, la cour a choisi d'imposer le huis clos.

Pour son président, Antoine Molinar-Min, il était "nécessaire pour assurer la protection de ces mineures, y compris contre elles-mêmes". Me Debourg a fustigé une décision "extrêmement violente" et "pas dans l'esprit actuel" d'une époque où les langues se délient et où de tels procès ont une valeur "symbolique". "On ne s'y attendait pas!", a de son côté déclaré Me Stéphanie Garcia, avocate de la famille de la petite-fille.

"Libre"

L'affaire a été particulièrement médiatisée en raison de la nature du canal utilisé par la petite-fille pour dénoncer ce que son grand-père lui faisait subir depuis deux ans. Elle a 10 ans lorsqu'une boîte aux lettres de l'association Les Papillons, visant à libérer la parole des enfants victimes de violences, est installée dans son école primaire à Vonnas (Ain).

Le jour même, la fillette décide de sauter le pas et glisse dans la boîte aux lettres un petit mot sans équivoque. "Il me toucher la parti du bas et la parti du haut et aussi il métait sa partie du bas dans ma parti du bas et moi j'ai essayé de menlever mais il voulait pas (sic)", écrit l'enfant sur ce papier que l'AFP a pu consulter.

"Elle souffrait beaucoup", a expliqué à l'AFP Me Garcia. Dans le cadre familial, "sa parole était verrouillée", mais "elle s'est sentie libre à ce moment-là". Rapidement, des psychologues de l'association, chargés de consulter les mots déposés par les enfants, font un signalement au procureur.

"Ultra courageuse"

L'enquête révèlera que les faits se produisaient au domicile des grands-parents lorsque la grand-mère était absente.  Devant la cour vendredi, l'adolescente a "confirmé tout, elle a été ultra-courageuse", a déclaré Me Stéphanie Garcia. "Elle a dit ne pas comprendre comment un grand-père pouvait faire ça à sa petite fille".

Également partie civile au procès, la grand-mère, aujourd'hui en instance de divorce, a toujours assuré n'avoir jamais rien su des agissements de son mari, qu'elle a qualifié de "monstre", selon son avocate Me Clémence Guérin. Interrogé durant plus de deux heures vendredi, le grand-père, aujourd'hui âgé de 73 ans, est "resté sur ses positions" devant la cour, a rapporté son avocate Me Audineau à l'AFP.

 

En garde à vue, il avait reconnu les attouchements sur sa petite-fille mais nié l'avoir violée. Il est aussi poursuivi pour agressions sexuelles sur les deux cousines. Il encourt jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.

Ce procès est une grande victoire pour l'association Les Papillons, qui recense 350 boîtes aux lettres dans l'Hexagone, des écoles primaires aux lycées. Il est une "preuve que les enfants attendent qu'on leur tende la main", selon son président Laurent Boyet.

Selon le dernier rapport de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), 160.000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France.