Le «tueur de DRH», Gabriel Fortin, condamné à nouveau à la réclusion criminelle à perpétuité

© Benoit PEYRUCQ / AFP
  • Copié
avec AFP , modifié à
Le "tueur de DRH", Gabriel Fortin, a de nouveau été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. La cour d'assises de l'Isère, se prononçant en appel, a estimé que l'accusé était en proie à une altération de son discernement au moment des faits, commis en janvier 2021, mais a décidé de ne pas appliquer de minoration de peine.

Gabriel Fortin, surnommé le "tueur de DRH", a été une nouvelle fois condamné, mardi à Grenoble, en appel, à la réclusion criminelle à perpétuité pour trois assassinats et une tentative d'assassinat au terme d'un procès où il a catégoriquement refusé de comparaître. La cour d'assises de l'Isère, se prononçant en appel, a estimé que l'accusé était en proie à une altération de son discernement au moment des faits, commis en janvier 2021, mais a décidé de ne pas appliquer de minoration de peine. La réclusion est, comme en première instance, assortie d'une période de sûreté de 22 ans.

Un verdict conforme aux réquisitions de l'avocat général

Ce verdict est exactement conforme aux réquisitions de l'avocat général, qui avait mis en avant l'"extrême dangerosité" de l'accusé. "Avez-vous senti le vent de soulagement au moment du verdict", a déclaré Hervé Gerbi, avocat des parties civiles, peu après l'énoncé de la condamnation, prononcée en l'absence de l'accusé, comme lors de quasiment tout le procès.

Le parcours meurtrier en janvier 2021 de Fortin, 49 ans, avait plongé le pays dans l'émoi et la stupéfaction. Trois de ses victimes avaient été associées à ses licenciements et la quatrième travaillait dans une agence Pôle emploi de Valence qu'il avait fréquentée. L'enquête avait rapidement établi que son passage à l'acte avait été minutieusement préparé et que Fortin avait potentiellement dans le viseur plusieurs autres personnes contre lesquelles il avait accumulé divers griefs.

L'altération du discernement et la "dangerosité" de Fortin au cœur du procès

La question de l'altération du discernement et la "dangerosité" de Fortin étaient au cœur de ce long procès, ouvert le 13 mai, et qui a aussi été marqué par son absence quasi-totale dans le box des accusés. Répétant n'avoir "rien à dire", il n'y aura fait que de brèves apparitions ponctuées d'esclandres visant à se faire expulser.

Les parties civiles ont fustigé un "mur de silence inexplicable" témoignant de la "lâcheté" de l'accusé et visant probablement à "faire souffrir à nouveau les familles", moins d'un an après le procès de première instance tenu à Valence en juin 2023. "Nous sommes face à une paranoïa de combat, la plus dangereuse", avait souligné l'avocat général dans son réquisitoire. L'ex-ingénieur se caractérise par "une absence totale d'empathie envers les victimes", une "dangerosité criminologique" et un "refus catégorique de toute démarche de soins", avait-il lancé.

Un homme "hanté par ses erreurs d'appréciations et ses interprétations folles"

L'avocat général est revenu sur les deux expertises psychiatriques conduites sur l'accusé, dont la plus récente a conclu à une altération de son discernement au moment des faits. Il avait émis le souhait que cet élément, s'il devait être retenu par la cour, "n'entraîne aucune minoration de la peine". C'est ce qu'il s'était produit en première instance : Gabriel Fortin avait été condamné à la prison à perpétuité, assortie d'une peine de sûreté maximum de 22 ans, et les jurés avaient retenu que des troubles psychiques avaient altéré son discernement, sans pour autant appliquer de diminution de peine.

Les parties civiles avaient, elles aussi, appelé de leurs vœux un verdict similaire à l'issue du procès en appel. L'avocat de la défense, Me Bertrand Sayn, avait, lui, dépeint un homme "hanté par ses erreurs d'appréciations et ses interprétations folles". "Cet homme est malade et cette maladie semble s'accélérer un peu avant les faits", a-t-il relevé.

De quoi transformer en "enfer" le quotidien de Gabriel Fortin, a-t-il souligné, en référence à sa conviction d'être traqué, surveillé, victime de complot. Pour autant, "affirmer qu'il va recommencer quand il sortira, c'est faux", a-t-il lancé, dénonçant un "raccourci qu'il ne faut pas emprunter".

Refus de soins

L'attitude de défi au fil des jours de Fortin avait exaspéré certaines des parties civiles qui ont fustigé sa "lâcheté", tandis que d'autres s'en sont accommodées, faisant valoir qu'elle avait d'une certaine manière permis des débats plus sereins. Non seulement Gabriel Fortin n'a pas expliqué et encore moins regretté son geste, mais il refuse de se soumettre à des soins, ce qui le rend encore plus dangereux, ont argué les avocats des parties civiles, exposant le traumatisme et la "peur" toujours vivaces des victimes et de leurs proches.

Pourvoi en cassation

A peine condamné pour la deuxième fois à la perpétuité par la cour d'assises de Grenoble, Gabriel Fortin va former un pourvoi en cassation, a indiqué mercredi son avocat Me André Buffard à l'AFP. Dès le verdict annoncé mardi en fin d'après-midi, Me Buffard avait jugé "très possible, vraisemblable" que Fortin, qui a refusé tout au long d'assister à son propre procès, forme un pourvoi en cassation, comme il en a la possibilité pendant cinq jours. Les parties civiles, bien que soulagées par l'issue du procès, avaient déclaré s'y attendre également.

"La célérité de ce pourvoi, quelques heures à peine après sa condamnation démontre que le scénario était ruminé par lui depuis longtemps", a réagi mercredi Me Hervé Gerbi, qui représentait au procès des proches de l'une des trois femmes tuées par Fortin. "Gabriel fortin épuisera toutes les voies de droit possibles. Cette ultime provocation est pour lui une fuite en avant qu'il imagine sans fin mais, très bientôt nous l'espérons, il se trouvera face à des portes définitivement fermées", a-t-il ajouté dans un communiqué.