Une ancienne victime de Taha O., principal suspect dans le meurtre de Philippine, une étudiante de 19 ans retrouvée morte dans le bois de Boulogne, a pris la parole dimanche dans une lettre adressée à l'AFP. Dans ce texte, elle appelle à prendre des mesures renforcées pour prévenir la récidive des crimes sexistes et sexuels.
Une victime dénonce la récidive
C'est la première fois que cette femme, qui a souhaité garder l'anonymat, s'exprime publiquement depuis la découverte macabre du corps de Philippine. Victime de Taha O, elle avait porté plainte en 2021 pour viol, ce qui avait conduit à la condamnation de celui-ci.
Dans son courrier, elle exprime sa douleur face à la mort de Philippine : "Je pense à Philippine et à sa famille, et je suis immensément triste. J'aimerais les réconforter, mais je ne fais face qu'au vide insupportable laissé par sa mort".
Elle rappelle avoir tout fait pour empêcher une récidive : "J'ai porté plainte, tenu bon au cours des deux ans d'enquête, d'instruction puis de procès, en me disant que ma démarche protègerait d'autres femmes". Pourtant, Taha O., condamné en 2021, a été libéré en juin 2024, peu avant l’assassinat de Philippine.
Un appel à une commission d'enquête sur la récidive
L'autrice de la lettre exhorte à "une réflexion nationale sur la prévention des récidives". Elle réclame la mise en place d’une commission d’enquête pour examiner les failles du système. "Pourquoi le système pénitentiaire a-t-il failli à prévenir cette récidive ? Pourquoi n'a-t-on pas su arrêter cette escalade de la violence jusqu'au meurtre d'une jeune femme ?", s'interroge-t-elle.
Cette question de la récidive est devenue d'autant plus pressante que Taha O., âgé de 22 ans, avait déjà été condamné pour des actes similaires. Aujourd’hui sous le coup d’une enquête pour viol et homicide, il est également visé par une demande d’extradition depuis la Suisse, où il a été arrêté.
Le débat sur l'expulsion et la récidive
Le fait que Taha O. ait été sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) a suscité une vive polémique, notamment dans les rangs de l’extrême droite. Certains acteurs politiques, dont le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, ont appelé à renforcer le cadre juridique pour protéger les Français contre ce type de récidives.
Toutefois, la victime met en garde contre une focalisation exclusive sur l'expulsion du territoire. Elle rappelle que le débat sur l'OQTF ne doit pas occulter "la question primordiale de la récidive". Elle pose une série de questions cruciales : "Quelles mesures de prévention de la récidive sont prévues dans les centres de détention ? Quel est l’impact de la détention dans la réduction des risques de récidive ?".
Au-delà des frontières, la lettre interroge sur les dispositifs de coopération internationale visant à prévenir la récidive des criminels expulsés. La rédactrice met en lumière le besoin de mesures plus globales, rappelant que la lutte contre les crimes sexistes et sexuels ne doit pas se limiter à une approche nationale : "Notre fraternité, notre humanisme, ne peut pas s'arrêter aux portes de nos frontières".