Huit ans ferme pour Lionel Guedj, cinq ans pour son père Jean-Claude : les peines prononcées en première instance contre ces deux ex-dentistes marseillais, coupables d'avoir mutilé quelque 400 patients, ont été confirmées par la cour d'appel, soldant un dossier vieux de plus de dix ans. Lionel Guedj, 43 ans, en visio depuis sa prison pour le prononcé de cet arrêt, est donc maintenu en détention.
Mais les magistrats de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui s'était en l'occurrence déplacée dans la salle des procès hors norme de l'ancienne caserne du Muy à Marseille, ont été moins sévères que l'avocat général. Lors de ses réquisitions, fin juin, Patrice Ollivier-Maurel avait en effet demandé une peine de 10 ans de prison ferme contre Lionel Guedj, soit la peine maximale possible pour ces faits.
Cinq ans de prison ferme contre Jean-Claude Guedj
La cour d'appel a également confirmé la peine de cinq ans de prison ferme prononcée en première instance contre Jean-Claude Guedj, alias "Carnot", 71 ans, lui aussi dentiste à l'époque des faits, qui comparaissait libre et était présent à l'audience. Un mandat de dépôt ayant été prononcé à son encontre, il va donc immédiatement rejoindre son fils en prison. Contre les deux hommes, une interdiction définitive d'exercer la profession de dentiste a également été prononcée.
Le dentiste le mieux rémunéré de France
Installé dans un des quartiers les plus pauvres de Marseille, de 2006 à 2012, le cabinet de Lionel Guedj était "une machine à fric fonctionnant à plein régime", avait dénoncé l'avocat général fin juin, après cinq semaines de débat. Incarcéré depuis le 8 septembre 2022, Lionel Guedj était accusé d'avoir dévitalisé quelque 3.900 dents saines chez des centaines de patients, pour ensuite poser des bridges très rémunérateurs, sans autre motivation que de développer son chiffre d'affaires. Aux frais de la sécurité sociale et des mutuelles.
En cinq ans, il était devenu le dentiste le mieux rémunéré de France : il roulait en Ferrari, s'octroyait entre 65.000 et 80.000 euros de revenus mensuels et avait accumulé un patrimoine de 13 millions d'euros. "L'humain a été relégué à un simple instrument au service de votre escroquerie", lui avait lancé l'avocat général, en le qualifiant de "bonimenteur".
374 victimes, "trahies", "sacrifiées"
Jean-Claude, dit "Carnot" Guedj, chirurgien-dentiste en fin de carrière, était lui poursuivi pour avoir prêté main-forte à l'escroquerie de son fils en assurant notamment "le service après-vente auprès des patients qui souffraient". Le septuagénaire, présenté par l'avocat général comme "le vieux renard au service du jeune loup", avait été remis en liberté en mars après cinq mois de détention provisoire. "Mon rôle essentiel était de le dépanner", avait assuré Carnot Guedj en appel, reconnaissant que Lionel "a peut-être travaillé un peu trop vite": Mais "tout le monde voulait être soigné par Lionel", a-t-il justifié, décrivant son fils comme "chaleureux", jamais avare d'une tape sur l'épaule.
Sur le plan financier, la cour d'appel a confirmé les confiscations déjà ordonnées par le tribunal correctionnel de Marseille, qui visaient des biens immobiliers, des véhicules, un bateau, des comptes bancaires et des œuvres d'art pour un peu plus de 2,2 millions d'euros.
En prime, les magistrats d'appel ont décidé également la saisie du domicile familial de Lionel Guedj, une villa dans la campagne aixoise évaluée à 936.000 euros, et celle d'un florissant débit de tabac sur le Cours Mirabeau à Aix-en-Provence, des éléments de patrimoine que le prévenu avait transférés au seul nom de son épouse et de leurs enfants dès le début de l'enquête.
Cet arrêt de la cour d'appel était très attendu par les 319 parties civiles, pour 374 victimes au total, dont un grand nombre avaient témoigné, à la barre, de leur calvaire, avec des souffrances toujours d'actualité pour certaines, des vies gâchées, des relations sociales interdites. "Trahies", "sacrifiées", "exploitées", "honteuses de s'être fait manipuler", selon les termes de l'avocat général, ces victimes sont nombreuses à espérer une réparation de leurs préjudices par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales.