L'accusation au procès des viols de Mazan a souhaité mercredi que le futur verdict constitue "un message d'espoir" pour les victimes de violences sexuelles, l'avocat de Dominique Pelicot tentant elle de faire émerger son "humanité". "Par votre verdict, vous signifierez que la viol ordinaire n'existe pas, que le viol accidentel ou involontaire n'existe pas. Vous délivrerez un message d'espoir aux victimes de violences sexuelles", a insisté Laure Chabaud, l'une des deux représentantes du ministère public, en s'adressant à la cour criminelle de Vaucluse.
"Vous rendez une part de son humanité volée à Gisèle Pelicot", a-t-elle ajouté, face à la septuagénaire, devenue une icône de la cause féministe depuis sa décision de refuser le huis clos lors de ce procès, qui a débuté le 2 septembre, à Avignon. Pendant dix ans, de juillet 2011 à octobre 2020, elle avait été droguée à son insu par son désormais ex-mari, Dominique Pelicot, qui la violait et la livrait à des dizaines d'hommes recrutés sur internet. "Par votre verdict, vous signifierez aux femmes de ce pays qu'il n'y a pas de fatalité à subir, et aux hommes de ce pays pas de fatalité à agir. Vous nous guiderez dans l'éducation de nos fils, car c 'est par l'éducation que s'impulsera le changement", a-t-elle ajouté.
>> LIRE AUSSI - Viols de Mazan : le procès est celui «de toute une famille anéantie», affirme un fils Pelicot
"Pas de formule magique"
L'avocat général a enfin espéré que "l'ampleur du combat qui doit être mené" amène à "une prise de conscience collective, sociétale" : "Ce procès est une pierre à l'édifice que d'autres après nous continuerons à construire . Ce procès est un pas sur le long et sinueux chemin de la reconstruction". "Il y aura un avant et un après" procès des violations de Mazan, a en tout cas espéré la magistrate, souhaitant que les peines qui seront prononcées lors du verdict, prévu au plus tard le 20 décembre, conduisent les accusés à "une prise de conscience réelle et profonde" de leurs actes, "notamment sur la notion de consentement".
Mme Chabaud a en revanche regretté que durant ces 12 semaines de débats il se soit "parfois dégagé de cette salle une communion dérangeante entre les accusés, conduisant à une décontraction inappropriée". De même elle a fustigé la "formule magique" de plusieurs accusés, qui ont répété "n'avoir pas eu l'intention" de violer Gisèle Pelicot, "pour faire disparaître leur responsabilité": "Sachez messieurs que les formules magiques ne fonctionnent pas dans les enceintes judiciaires", a-t-elle asséné.
Cette prise de parole est lieu conclure trois journées de réquisitions réalisées au pas de course à la rencontre des 50 coaccusés de Dominique Pelicot, contre lesquels l'accusation a réclamé entre 4 et 18 ans de prison. Pour Dominique Pelicot, qui a eu 72 ans ce mercredi, la peine maximale de 20 années de réclusion avait été requise lundi.
"Dix-sept ans de réclusion criminelle, on n'est qu'à trois ans de Dominique Pelicot, alors qu'en réalité, il n'est concerné que pour quelques minutes dans la vie de Dominique Pelicot. C'est une disproportion totale", s'est insurgé devant la presse Me Roland Marmillot, l'avocat de Mohamed R., un des 50 coaccusés, âgés de 26 à 74 ans. "La justice, ce n'est pas la vengeance", a-t-il accusé. L'avocate de Dominique Pelicot, Béatrice Zavarro, a ensuite pris la parole en début d'après-midi, inaugurant un peu plus de deux semaines consacrées aux plaidoiries de la défense.
"L'avocate du diable"
"Bien malgré moi, je suis devenu l'avocat du diable (...) Comme je vous l'ai souvent dit, c'est vous et moi contre le monde entier", a dit en guise d'introduction Me Zavarro, se tournant d'abord vers son client, dans la boîte des accusés, puis vers Gisèle Pelicot, sur le banc des parties civiles, pour lui exprimer son "profond respect". Pendant une heure, l'avocate s'est attachée à rappeler la face A du principal accusé, celle du "bon mari, bon père, bon grand-père" décrit par tous, puis elle a tenté de chercher dans une histoire familiale au " climat délétère" et dans ses ressorts psychologiques mal élaborés les raisons de sa "perversité".
"Dominique Pelicot a accepté, a reconnu la prévention qui lui est reprochée", a rappelé Me Zavarro, qui en revanche a réfuté ce rôle de "chef d'orchestre" que lui attribuent le nombre de ses coaccusés, qui s'étaient dits sous son "emprise" , voire drogués par ses soins. Sur la peine réclamée par l'accusation, 20 ans de réclusion criminelle, soit le maximum possible pour violations aggravées, l'avocat a seulement demandé à la cour de s'en "éloigner quelque peu, peut-être", sans insister.
Et c'est face à Gisèle Pelicot qu'elle a fini son plaidoyer : "Il attendait 1.000 fois de demander pardon, je ne sais si vous l'entendrez, Madame, mais il le répète à nouveau". Puis, évoquant les trois enfants du couple, présents lors du réquisitoire contre leur père lundi mais absents pour sa défense depuis, Me Zavarro leur a demandé de "garder en tête le premier Dominique, celui qui vous a choyés, câlinés, profondément aimés".