Après celui d'Éric Dupond-Moretti, le procès d'un autre membre du gouvernement en exercice s'est ouvert lundi : celui d'Olivier Dussopt, qui a protesté de sa "bonne foi" face aux soupçons de favoritisme lors d'un marché public passé en 2009. "Je souhaite que cette audience me permette d'établir ma bonne foi", a déclaré le ministre du Travail, 45 ans, devant le tribunal correctionnel de Paris, dans une déclaration calquée sur ses précédentes expressions publiques au sujet de ce procès.
Aucune volonté de privilégier la Saur ?
Il a ainsi répété sa satisfaction que sur les cinq griefs initialement visés par l'enquête préliminaire, ouverte en mai 2020 après un article de Mediapart, "le parquet (ait) fait le choix de classer quatre d'entre eux". "C'est un point très important pour moi, car ça signifie qu'il a écarté" toute notion "de corruption, d'enrichissement personnel", a insisté Olivier Dussopt, débit de mitraillette et mains jointes dans le dos.
Il reste poursuivi pour "favoritisme", infraction qui ressort, selon le parquet national financier (PNF) de deux documents saisis à son domicile en août 2020 : le compte-rendu d'un entretien avec Olivier Brousse, le directeur général du groupe de fourniture et de traitement de l'eau Saur, en juillet 2009 évoquant le montant d'un marché et les critères de l'appel d'offres, et un mail de l'élu envoyé peu après à ses services, demandant de faire évoluer plusieurs de ces critères. Titulaire de plusieurs portefeuilles ministériels depuis 2017 et ministre du Travail depuis dix-huit mois, Olivier Dussopt s'est longuement défendu à la barre de toute volonté de privilégier la Saur.
Élu maire PS d'Annonay (Ardèche) en 2008, il met fin à la délégation de service public attribuée à cette entreprise depuis les années 1960, pour passer la gestion de l'eau en régie publique. Mais l'exploitation de l'eau potable et l'assainissement sont immédiatement sous-traités, via deux marchés de prestation de services d'une durée de cinq ans. La Saur remporte le premier fin 2009, pour un montant de 5,6 millions d'euros.
"Fragile juridiquement"
Selon Olivier Dussopt, son entretien avec Olivier Brousse visait "uniquement à connaître la réalité des marges de la Saur", "pour anticiper autant que possible la marge dont nous disposerions pour baisser le prix et investir" dans la rénovation du réseau. "Je conteste avoir indiqué le moindre prix estimatif", ajoute-t-il. Le ministre assume en revanche avoir fait modifier les critères d'évaluation de l'appel d'offres, en diminuant l'importance accordée au prix.
"Dès mon élection, j'ai demandé que la politique d'achat de la ville soit basée sur le mieux-disant plutôt que sur le moins-disant. De manière systématique, j'ai demandé à ce qu'il y ait un rééquilibrage" en faveur des critères techniques, explique-t-il. En revanche, "j'étais bien incapable de savoir si la Saur serait bien ou mal placée sur la question du prix". Il lui est encore reproché d'avoir voulu inclure un critère sur la satisfaction vis-à-vis du prestataire sortant, "clause illégale puisque discriminatoire, le prestataire sortant étant nécessairement favorisé", souligne la présidente du tribunal Bénédicte de Perthuis.
"J'avais été très frappé par le fait que les usagers trouvaient le service trop cher, mais de bonne qualité. Mon directeur des services m'a dit que c'était fragile juridiquement, on ne l'a pas retenu", s'explique le prévenu. Sur le devant de la scène lorsque la perspective d'un procès a été rendue publique, en février 2023, en pleine contestation du projet de réforme des retraites, Olivier Dussopt avait vu la Première ministre Elisabeth Borne lui renouveler sa confiance. Olivier Brousse, 58 ans, aujourd'hui dirigeant d'une entreprise de paysagisme, comparait pour complicité de favoritisme, tandis que Saur, troisième grande entreprise de l'eau en France, est poursuivie pour recel de favoritisme.
Ils contestent également les faits. La commune d'Annonay n'a pas souhaité se constituer partie civile dans ce dossier. Ce procès, qui devrait s'achever mercredi, arrive après ceux de deux autres piliers de la Macronie : le haut-commissaire au Plan François Bayrou, qui a comparu jusqu'au 22 novembre dans le dossier des assistants d'eurodéputés MoDem, sera fixé sur son sort le 5 février. L'actuel garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a lui été jugé du 6 au 17 novembre pour des soupçons de prise illégale d'intérêts par la Cour de justice de la République, qui rendra sa décision mercredi.