Un procès correctionnel a été requis mercredi pour six connaissances et proches de Paul Pogba, dont son frère Mathias, après deux ans d'investigations sur la séquestration et l'extorsion du footballeur en 2022 qui ont dévoilé des relations amicales et fraternelles gangrenées par l'argent. D'après les réquisitions du parquet de Paris, dont l'AFP a eu connaissance, cinq proches - trois amis d'enfance et deux anciennes connaissances - de Paul Pogba sont soupçonnés d'avoir "minutieusement préparé" une réunion en banlieue parisienne le 19 mars 2022, durant laquelle le joueur, depuis suspendu quatre ans pour dopage, a été séquestré et braqué par deux hommes non identifiés.
Ces braqueurs lui ont réclamé 13 millions d'euros. Son aîné Mathias, également footballeur et âgé de 33 ans, était absent cette nuit-là. Il est soupçonné d'avoir, a posteriori, fait pression sur son cadet, "empreint de la même détermination d'obtenir de (Paul Pogba) la remise de fonds", accuse le parquet. Durant l'information judiciaire, tous ont nié, affirmant être également "victimes" des braqueurs et avoir été agressés car Paul Pogba refusait de payer. Une thèse écartée par le parquet: "La procédure n'a pas permis d'établir la réalité de ces menaces".
"Culpabilisation"
"Bien qu'ils le contestent", cinq suspects "ont collectivement établi les modalités" de la rencontre avec Paul Pogba, poursuit le ministère public. Objectif de cette réunion ? "Faire part à Paul Pogba des griefs que chacun entretenait à son égard et le contraindre, par la culpabilisation puis au besoin par le chantage, à remettre des fonds qu'ils estimaient dus" en raison de "leurs liens d'amitié anciens", soutient l'accusation.
Les mois qui ont suivi, Paul Pogba, âgé de 31 ans, a "retiré puis remis une importante somme", "100.000 euros", et leur a notamment permis d'acheter des vêtements de sport pour plusieurs dizaines de milliers d'euros, relève le parquet. Boubacar C., ami d'enfance de Paul, a plutôt présenté la transaction dont il a bénéficié comme "un geste de solidarité et d'entraide". "Aucun élément matériel" n'incrimine Boubacar C., a défendu auprès de l'AFP son avocat, Me Saïd Harir, précisant qu'il allait déposer des observations de "non-lieu total" le concernant.
>> LIRE AUSSI - Blessures, déboires extra sportifs et maintenant testostérone... La descente aux enfers de Paul Pogba
Contacté, Me Karim Morand-Lahouazi s'est dit "très étonné" de "l'empressement" du parquet de rendre son réquisitoire, "alors qu'un grand nombre de demandes d'actes est en cours de préparation du côté de la défense de mon client", Adama C., autre ami d'enfance. Les autres conseils n'étaient pas joignables dans l'immédiat ou n'ont pas souhaité commenter.
Requalification de l'affaire
Cette affaire a mis la lumière sur les tensions liées à l'argent entre le champion du monde et son entourage. Elle a même tourné au drame familial, quand Mathias Pogba avait publié des vidéos à l'été 2022, incriminant son cadet qu'il accusait de les avoir "abandonnés" : à ses yeux, Paul Pogba, en refusant de payer les 13 millions d'euros, mettaient en danger sa famille et ses amis.
En septembre 2022, des mises en examen ont été prononcées pour extorsion avec arme et séquestration en bande organisée, ainsi que pour association de malfaiteurs criminelle. Des chefs passibles des assises. Mais dans un souci de "bonne administration de la justice", et avec "l'accord de la partie civile", le parquet de Paris a requis mercredi une requalification en abandonnant entre autres la circonstance aggravante de la bande organisée.
"Tensions cristallisées"
Il demande un procès en correctionnel pour les cinq suspects présents la nuit de la séquestration, pour extorsion, séquestration et association de malfaiteurs délictuelle. L'un d'entre eux est en détention provisoire. Concernant Mathias, qui a été informé à l'été 2022 de la séquestration, mais soupçonné d'avoir ensuite fait pression, le parquet a demandé à ce qu'il soit jugé pour extorsion et participation à une association de malfaiteurs délictuelle.
Le ministère public a souligné "plusieurs années" marquées par "des tensions cristallisées" entre les deux frères "autour de la question financière" et estimé que "plusieurs conversations interceptées" à l'été 2022 "attestaient de la ferme volonté de l'intéressé d'obtenir un paiement sous la menace". Mathias, lui, avait assuré en janvier aux juges espérer se réconcilier avec son cadet, estimant avoir été "la marionnette" des autres suspects dans ce dossier. La décision d'un procès revient désormais à la juge d'instruction.