Une victime de violences conjugales poursuit l'Etat devant la justice pour faute

Victime de violences conjugales, Khadija assigne l'État en justice pour faire reconnaître les dysfonctionnements qu'elle estime avoir subis. En 2020, elle a découvert que son ex-compagnon a été jugé en son absence pour viols, malgré ses demandes répétées pour être convoquée. Elle espère que la justice réparera cette injustice.
Privée de la possibilité d'assister au procès de son ex-compagnon, une femme victime de violences conjugales assigne l'État devant le tribunal judiciaire de Paris mercredi après-midi afin de faire reconnaître les graves dysfonctionnements dont elle estime avoir été victime. Khadija, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille, attend cette audience avec impatience ; espérant que la justice reconnaisse que ses droits ont été "bafoués".
"Je pense qu'il est important qu'on m'entende, qu'on sache quels effets ces dysfonctionnements ont eus sur ma vie", a confié la trentenaire à l'AFP avant l'audience. En 2017, elle porte plainte contre son ex-conjoint pour viols, tortures et actes de barbarie. Le juge d'instruction, chargé des investigations, ordonne son renvoi devant la cour d'assises de la Haute-Vienne, mais Khadija n'est pas informée de la date du procès. Elle apprend en septembre 2020 dans les médias que le procès est en cours. "Moi, j'étais prête à le voir dans le box des accusés. Mon but, c'était que la justice le condamne", a expliqué la jeune femme.
Malgré ses nombreux appels au parquet, le procès s'est poursuivi sans elle. Son ex-conjoint a été condamné à huit ans de prison pour les violences, mais a été relaxé pour les viols. "La cour d'assises (de la Haute-Vienne) a privé Khadija de la possibilité de faire entendre sa voix, de faire valoir ses droits et de permettre un verdict éclairé", a dénoncé Me Pauline Rongier.
"C'est une aberration judiciaire"
"La cour a jugé des faits de viols conjugaux en l'absence de l'unique témoin : la victime. C'est une aberration judiciaire", a poursuivi l'avocate de Khadija. En juin 2021, la Cour de cassation a reconnu que les démarches nécessaires n'avaient pas été engagées pour contacter et convoquer la victime au procès.
Pour autant, Khadija n'a pas pu faire appel du jugement, car le droit français ne permet pas à une partie civile d'interjeter appel sur le volet pénal d'un verdict. "Il faut forcer l'État à modifier cette loi", a insisté Me Rongier, qui entend dénoncer une insuffisance législative. L'avocate entend également pointer des fautes judiciaires, notamment l'absence de la partie civile au procès, alors même que cette dernière avait pris contact avec la justice pour signaler qu'elle n'avait pas été convoquée. L'ex-compagnon de Khadija, en situation irrégulière en France, a été expulsé vers le Maroc à sa sortie de prison, en février 2024.