Pas une semaine ou presque sans violences mortelles liées au trafic de stupéfiants. L'année 2023 s'annonce déjà record avec une hausse de 57% des homicides et tentatives d'homicides, a révélé lundi le patron de la police Frédéric Veaux. Dernier exemple en date, la mort dans la nuit de samedi à dimanche à Dijon d'un père de famille tué dans son lit par des tirs en rafales visant un point de deal situé juste en dessous de son logement. Une victime "collatérale", comme Fayed, 10 ans, tué à Nîmes fin août au cours d'une fusillade liée à la guerre entre narcotrafiquants.
Devant la commission d'enquête du Sénat sur le "narcotrafic en France", le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, a annoncé que "315 faits d'homicides et tentatives d'homicides entre malfaiteurs" avaient été recensés du 1er janvier au 13 novembre, une hausse de 57% sur la même période de 2022. "Nous assistons à une hausse des violences liées aux trafics de stupéfiants", a constaté Frédéric Veaux, précisant que "451 victimes" de ces actes avaient été dénombrées pendant cette période. "30% ont moins de 20 ans", a-t-il ajouté.
Des villes moyennes également touchées
Dans le seul département des Bouches-du-Rhône, une quarantaine de personnes ont été tuées cette année, dont trois victimes collatérales, selon un décompte de l'AFP. Cette violence, a expliqué Frédéric Veaux, "est un moyen pour les entreprises criminelles qui contrôlent ces trafics d'asseoir leur emprise ou de l'augmenter, en essayant de récupérer des marchés". "C'est aussi une méthode de représailles, qui malheureusement s'installe dans des logiques de vendetta, dont on ne voit jamais la fin".
Cette réalité s'explique essentiellement par la hausse de la production mondiale de cannabis, facilitée par le libre échange qui régit le commerce à l'échelle de la planète et auquel les autorités françaises ont du mal à faire face. cocaïne ou héroïne Cette violence s'étend à des "villes de taille moyenne, un peu partout sur le territoire", a encore souligné le numéro 1 de la police. Angoulême, Cholet ou encore Chalon-sur-Saône sont ainsi concernées par le trafic de drogue. Un constat partagé par la gendarmerie. Devant le Sénat, l'adjoint au major général de la gendarmerie, Tony Mouchet, a relevé dans les territoires le développement de la cannabiculture, l'uberisation de la vente de stupéfiants et l'installation de "hub" (des centres de stockage de drogue pour les trafics en zones urbaines).
"Rivalités de territoire"
La cheffe de l'Office anti-stupéfiants (Ofast) Stéphanie Cherbonnier, a mis aussi l'accent devant les sénateurs sur "les violences criminelles en hausse" pour des "rivalités de territoire". Ces violences, a-t-elle dit, vont des "règlements de comptes aux homicides, tentatives d'homicides, enlèvements et séquestration..." "75 règlements de comptes entre malfaiteurs ont eu lieu depuis le début 2023", a-t-elle dénombré, ajoutant que "80 à 90% (étaient) liés aux trafics de stupéfiants".
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La police fait une distinction entre les "règlements de comptes classiques" avec victime identifiée, planification de l'assassinat, mobile bien établi qui représentent "60 à 70 faits par an en moyenne" et "les pseudo-règlements de comptes" que sont les homicides volontaires ou tentatives d'homicides entre délinquants, en très forte hausse. Cette seconde catégorie n'est mesurée que depuis 2020.
8.000 armes saisies en 2022
En 2022, "236 faits ont été recensés avec 65 victimes décédées, en hausse de 12% par rapport à 2021", selon les données de l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO). "37% des faits ont eu lieu dans le Sud", de Toulouse à Nice en passant par Marseille. En 2022, "8.000 armes ont été saisies, en hausse de 10% par rapport à 2021, dont 25% à l'occasion d'enquêtes sur le trafic de stupéfiants", a souligné Stéphanie Cherbonnier. Le marché des stupéfiants génère, selon l'Ofast, 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France. Il représente "21.000 emplois à temps plein et 240.000 personnes en vivent directement ou indirectement", a souligné la patronne de l'Ofast.
Les produits ont une forte rentabilité pour les organisations criminelles. "La cocaïne est achetée entre 28.000 et 30.000 euros le kilo et revendue entre 65 et 70 euros le gramme", a ainsi détaillé Stéphanie Cherbonnier. Elle considère que "la menace" représentée par ce trafic est à "un niveau historiquement élevé". "La France est à la fois au carrefour des trafics, mais également une zone rebond avec les Antilles et la Guyane", a-t-elle insisté, "aucun territoire n'est épargné". Loin de céder à la tentation de légaliser le cannabis, Frédéric Veaux prône, au contraire, l'impunité zéro et appelle les parlementaires à légiférer sur une simplification des procédures.