"Mon monde s'écroule, pour moi tout s'effondre" : calme et déterminée, face à son mari et aux 50 autres hommes accusés de l'avoir violée, pendant dix ans, la principale victime a raconté jeudi ce jour du 2 novembre 2020 où elle a tout découvert. Droguée aux somnifères par son mari, qui recrutait des inconnus sur internet pour venir la violer, Gisèle Pelicot, 71 ans, n'avait jamais réalisé que depuis 2011 tous ces hommes avaient abusé d'elle.
La famille souhaite désormais que le nom de "Pelicot" soit publié
Les enfants de Gisèle Pelicot, violée pendant dix ans par son mari et des hommes que celui-ci recrutait sur internet, un dossier jugé depuis lundi à Avignon, ont fait savoir à l'AFP jeudi qu'ils souhaitaient désormais que leur nom de famille soit publié par la presse.
"Des scènes de barbarie"
"Les policiers m'ont sauvé la vie, en investiguant l'ordinateur" de son mari, explique la septuagénaire, calme, précise, ne qualifiant plus son époux, dont elle est en cours de divorce, que par son patronyme. Puis, pendant près d'une heure et demie, elle déroule sa version de ce dossier, pour sa première prise de parole depuis le début d'un procès hors norme entamé lundi, à Avignon, devant la cour criminelle de Vaucluse.
Ce jour d'automne 2020, les policiers de Carpentras dans le Vaucluse lui ont demandé de venir. Oui, elle est bien mariée à Dominique Pelicot, "un chic type", "un super mec", répond-elle à l'enquêteur qui la reçoit. Puis celui-ci lui montre des photos.
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Sur l'image, "je suis inerte, dans mon lit, et on est en train de me violer. C'est des scènes de barbarie. Mon monde s'écroule, tout s'effondre, tout ce que j'ai construit en 50 ans. Franchement, c'est des scènes d'horreur pour moi", explique-t-elle, devant la cour, composée de cinq magistrats professionnels.
Considérée come une "poupée de chiffon"
"Ils me considèrent comme une poupée de chiffon", insiste la mère de famille, sous le regard de sa fille et de ses deux fils, à ses côtés depuis le début des audiences. Ce jour-là, elle refuse par contre de regarder les vidéos. Ce qu'elle n'acceptera de faire qu'en mai 2024, à l'approche du procès, sur les conseils de son avocat. "Elles sont plus atroces les unes que les autres", a-t-elle insisté jeudi. "Des scènes de barbarie, des viols, je me demande comment j'ai pu tenir", ajoute-t-elle, estimant avoir été "sacrifiée sur l'autel du vice". "Le corps est chaud, pas froid, mais je suis morte sur mon lit", décrit-elle encore.
Au total, près de 4.000 photos et vidéos ont été retrouvées sur les divers ordinateurs, clefs USB ou disques durs de son mari. Les images des quelque 200 viols qu'elle a subis en dix ans, d'abord en région parisienne, mais surtout à Mazan, cette commune du Vaucluse de 6.000 habitants où le couple avait déménagé en mars 2013.
"Et qu'on ne me parle pas de scènes de sexe, ce sont des scènes de viols, je n'ai jamais pratiqué le triolisme ni l'échangisme, je tiens à le dire", poursuit la victime, répondant indirectement aux questions posées mercredi au directeur d'enquête par les avocats de certains accusés, qui maintiennent avoir seulement participé au scénario d'un couple libertin. "Je n'ai jamais été complice" ni "fait semblant de dormir", répond ensuite la victime, interrogée par Roger Arata, le président de la cour.
De tous ces hommes qui ont abusé d'elle, elle n'en reconnaît qu'un seul, qui était venu au domicile du couple, à Mazan, pour discuter vélo avec son mari : "Je le rencontrais de temps en temps à la boulangerie, je disais bonjour, je n'imaginais pas qu'il était venu me violer".
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Le mari est resté tête baissée
"J'ai un sentiment de dégoût", insiste-t-elle, en s'adressant aux accusés : "Ayez au moins une fois dans votre vie la responsabilité de vos faits", lance-t-elle, alors qu'elle parle depuis une heure déjà, s'interrompant seulement pour boire un verre d'eau. Et elle aborde la question de la soumission chimique : ces anxiolytiques que lui faisait avaler son mari, à son insu, pour ensuite la livrer aux hommes qu'il avait appâtés.
"Je parle pour toutes ces femmes qui sont droguées et qui ne le savent pas, je le fais au nom de toutes ces femmes qui ne le sauront peut-être jamais, (...) pour que plus aucune femme n'ait à subir la soumission chimique", poursuit-elle, rappelant que c'est pour cela qu'elle a refusé lundi que ce procès se déroule à huis clos.
Dans le box des détenus, son mari reste tête baissée. Il a été interpellé en septembre 2020, après avoir filmé sous les jupes de trois femmes dans un centre commercial de Carpentras, ce qui allait permettre la découverte de toute cette affaire. Il avait été arrêté une première fois pour des faits similaires en région parisienne, en 2010. Mais il avait été condamné à une simple amende de 100 euros, et son épouse n'avait jamais été mise au courant. "Il y a eu non assistance à personne en danger J'ai perdu dix ans de ma vie, jamais je ne les rattraperai", a-t-elle accusé jeudi.