Ilan Halimi est mort le 13 février 2006, victime du "gang des barbares", de Youssouf Fofana et de ses complices. Huit ans après, ses sœurs, Yaël Halimi et Anne-Laure Abitbol, sont venues témoigner au micro d’Europe1. "Même si c’est une épreuve à chaque fois d’en reparler", confient-elles, "on est contentes que ce film sorte, qu’on reparle de cette histoire, pour qu’on n’oublie pas et que ça ne se reproduise pas". Ce film, c’est celui d’Alexandre Arcady, 24 jours. Le réalisateur s’est appuyé sur le récit de la propre mère d’Ilan Halimi pour bâtir son scénario. C’est donc un film-témoignage, qui "reste du côté de la mère, Ruth Halimi, de toute la famille et de la police pendant 24 jours."
Le récit de la mère au cœur du film. Pour Alexandre Arcady, 24 jours " témoigne du martyre d’Ilan Halimi ". Le cinéaste, qui a "toujours porté un regard attentif sur l’actualité et sur l’Histoire" l’avoue sans détour : il a été "meurtri par la mort d’Ilan, le premier jeune juif à avoir été tué en France depuis la Shoah." Pour aborder un tel événement au cinéma, il s’est donc appuyé sur le livre de la mère 24 jours : la vérité sur la mort d’Ilan Halimi. Ruth Halimi lui a "indiqué le chemin" avec ce récit. Il n’aurait d’ailleurs sans doute pas fait le film sans l’existence du livre, explique-t-il. Une phrase d’elle a été un "déclic" pour le cinéaste : "Je voudrais que la mort d’Ilan serve à donner l’alerte."
Au-delà de la mère, le film reflète le point de vue de toute la famille Halimi."On pense qu’il est important que le public sache exactement ce qui s’est passé, explique à Europe 1 Yaël Halimi, l’une des sœurs de la victime. Dans le film, on prend conscience de ce qu’a enduré Ilan. Cette reconstitution, c’est "la réalité de ce qui s’est passé", explique Yaël Halimi. "Le film se rapproche beaucoup de ce qu’on a vécu il y a huit ans" raconte-t-elle. Mais 24 jours reste pudique selon les deux sœurs : "Les souffrances qui ont été infligées à Ilan n’apparaissent pas dans le film." Ce qu’elles ont vécu "est encore au-delà", confient-elles.
Au plus près desfaits. "Tout (ce qui est montré dans le film ndlr) est malheureusement vrai", assure Alexandre Arcady. Et le réalisateur d’énumérer la longue liste d’épisodes tragiques qui constituent autant de rebondissements à l’écran, qui font passer le spectateur par toutes les phases de l’espoir, de l’angoisse, ou de la colère : "Les 650 appels téléphoniques, les demandes de rançons irrationnelles, les insultes, les menaces, les rendez-vous donnés et aussitôt annulés, les multiples voyages de Fofana (le leader de l’opération ndlr) en Côte d’Ivoire, son interpellation en pleine rue et son arrestation au cyber café… Tout est cruellement vrai."
Tourner dans les lieux où s’est déroulée la tragédie, le réalisateur y tenait aussi particulièrement. "Ça a été très important pour nous de tourner de filmer au 36, quai des Orfèvres (…) C’est là que la famille a attendu, durant 24 jours. C’est "ce même souci d’authenticité" qui lui a fait choisir la gare de Sainte-Geneviève-des-Bois où Ilan Halimi a succombé, ou encore le cyber café du 14e arrondissement de Paris "où les policiers ont lamentablement laissé s’échapper Youssouf Fofana", commente le réalisateur.
Une charge contre les enquêteurs ? Alexandre Arcady raconte l’affaire Halimi du point de vue de la famille. Ainsi le constat du réalisateur sur le déroulement de l’enquête est-il plutôt cinglant. La police multiplie à l’écran les erreurs d’interprétation, et laisse plusieurs fois Fofana s’échapper, au point de passer parfois pour des incompétents. Les flics s’entêtent, jusqu’au dénouement fatal. Alexandre Arcady laisse donc volontairement de côté le point de vue des enquêteurs ou de la justice, mais se défend pour autant de toute charge : "Je pense que les policiers ont fait plus que le maximum" explique-t-il. "Malheureusement ils ont fait des erreurs. Ils n’ont pas mesuré exactement la personnalité de ceux qu’ils avaient face à eux."
Un film surtout pour la mémoire. "Je pense que ce film va être un choc mémoriel", espère Alexandre Arcady. "J’ai fait 24 jours pour laisser une trace et dire la vérité, pour que cette tragédie ne tombe pas dans l’oubli. "Aujourd’hui", raconte-t-il, "peu de gens se souviennent du nom d’Ilan Halimi. En revanche, quand vous évoquez "le gang des barbare" (c’est ainsi que s’appelait la bande des bourreaux, ndlr), quelque chose résonne. C’est paradoxal de penser qu’en France les bourreaux sont plus connus que les victimes."
24 jours, la vérité sur l'affaire Ilan Halimi, d'Alexandre Arcady avec Zabou Breitman, Pascal Elbé, Jacques Gamblin et Sylvie Testud. Sortie au cinéma : le 30 avril, avec Europe 1.
INTERVIEW E1 - Les sœurs d'Ilan Halimi se confient pour que "ça ne se reproduise pas"
PROJECTION PRIVÉE - Le film sur l'affaire Ilan Halimi diffusé à l'Elysée
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COULISSES - Sur le tournage de 24 jours, le film consacré à l’affaire Halimi