Foxcatcher débute par l'entraînement de deux lutteurs, de deux frères. D'un côté, le cadet, Mark, mal dans sa peau et renfermé sur lui-même, de l'autre, l'aîné Dave, habile communicant et modèle évident pour son frère. Dès cette première scène où les prises font mal, le ton est donné par le réalisateur Bennett Miller : réalisme, émotion et authenticité vont primer.
Foxcatcher, un film Europe 1, est en salles depuis le 21 janvier :
L'auteur de Truman Capote, récompensé à Cannes par le prix de la mise en scène pour ce Foxcatcher, raconte l'histoire vraie des frères Schultz, lutteurs américains qui ont réussi l'exploit d'être médaillés d'or lors d'une même édition des Jeux olympiques, en 1984 : Dave chez les moins de 74 kg, Mark chez les moins de 82 kg.
Des combats criants de vérité. Les deux acteurs, Mark Ruffalo (Dave) et Channing Tatum (Mark) se sont astreints à des heures de visionnage vidéo et de pratique de la lutte pour être semblables à leur modèle. Le film commence là où leur relation se fissure, à l'approche des JO de Séoul, en 1988 : Mark supporte de plus en plus difficilement de vivre dans l'ombre de son frère. Pour se relancer, il choisit d'accepter la proposition du mécène John Eleuthère du Pont, incarné par un Steve Carell (40 ans, toujours puceau) méconnaissable, qui lui promet des conditions d'entraînement optimales au sein de son club privé Foxcatcher, installé dans son ranch de Pennsylvanie. Philanthrope mais imbu de lui-même, John E. du Pont mène son groupe de lutteurs de manière erratique. Et la quête commune de médailles va peu à peu s'écraser sur les blessures du milliardaire et de son poulain Mark Schultz, sorte de "fils adoptif".
Foxcatcher apparaît comme le prolongement thématique de Stratège, précédent film de Bennet Miller sorti en 2011 qui racontait le génie de Billy Beane (incarné par Brad Pitt), manager général des Oakland Raiders en baseball. Celui-ci avait réussi à rendre son équipe compétitive malgré un budget limité à partir d'une approche statistique de la compétition. John E. du Pont, lui, a l'argent mais pas les idées. Et Bennett Miller parvient à capter, dans le visage modelé de Steve Carrell (à juste titre nommé à l'Oscar du meilleur acteur), tout le mal-être de celui qui ne maîtrise rien du travail du coach, ni la technique ni surtout le côté humain, qu'incarne Dave Schultz (Mark Ruffalo, remarquable lui aussi et nommé à l'Oscar du meilleur second rôle). Au-delà des faits qu'il relate - et qu'on se gardera bien de rappeler ici pour ceux qui ne connaissent pas toute l'histoire - Foxcatcher, sublimé par d'étonnants cadrages et des silences lourds de sens, transpire l'amour du sport, de ses travers et de ses exploits.
Et l'on se met à rêver que le cinéma français soit capable, lui aussi, de raconter avec un tel talent les grandes histoires du sport tricolore. A commencer, pourquoi pas, par celle des frères Guénot...